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Say hello to Black Jack (vol.11) - Chroniques de psychiatrie tome 3
de Syuho Sato
Glénat - Seinen manga 2006 /  6.50 €- 42.58  ffr. / 190 pages
ISBN : 2-7234-5455-X
FORMAT : 13.5x18 cm

Le poids des mots, le choc des photos

Le dernier tome s’était achevé sur une tuerie dans une école. Les médias avaient alors fait leurs gros titres sur le fait divers, et s’étaient gargarisés des antécédents psychiatriques du meurtrier pour mettre cet acte sur le compte d’un « coup de folie ».
Le volume s’ouvre ici sur un dialogue à flux tendu entre un journaliste et un psychiatre. Le médecin démontre habilement que le geste de l’homme n’est probablement pas consécutif à un délire, et que l’individu cherche volontairement à se faire passer pour fou afin d’éviter toute traduction devant un tribunal…

La presse est une nouvelle fois mise sur le banc des accusés dans cet opus aux images choc. Manipulateur, menteur, propagandiste et affairiste, ce terrifiant contre-pouvoir brosse le peuple dans le sens du poil. On retient en particulier un passage aussi formidable que glaçant de réalisme sur le sensationnalisme fait autour du massacre des écoliers. Sato y propose une revue de presse montée de toutes pièces, qui a pourtant un arrière-goût amer de déjà lu : ici un journal qui exige « un châtiment exemplaire » sans connaître les tenants et les aboutissants de l’affaire, là un titre qui révèle le « nœud de l’affaire », plus loin encore cette Une qui accuse l’Administration judiciaire et, en guise d’autoflagellation, la presse tout en titrant sur la même page « Gros seins nus ! Elle tombe le kimono ! ». Un pur délice !
Mais Sato va plus loin. Il pointe du doigt la Justice, dont la lourdeur administrative et la lenteur laissent échapper une partie de la population des délinquants. Son discours flirte d’ailleurs avec l’anti-psychiatrie, en poussant encore plus avant le raisonnement : la société ne donne pas naissance à des malades mentaux, mieux, elle les invente de toutes pièces ! Un tome donc très polémique, illustré par un chef de service de psychiatrie très ambivalent et parfois dangereusement provocateur : « Environ 400 000 des patients internés dans les hôpitaux psychiatriques du Japon n’ont rien à y faire. La plupart n’ont nulle part où aller. Ils ne pourraient même pas retourner dans leur famille. […] Je suis décidé à les faire sortir un par un. Si ensuite ils se suppriment ou deviennent des clochards, ce n’est pas de ma responsabilité de médecin. C’est le problème de toute la société, vous ne croyez pas ? ». Avec un constat sans appel sur nos préjugés : « Les gens sont convaincus au fond de leurs tripes que les malades mentaux sont dangereux ».
Le style, violent, marque ainsi une fois de plus les esprits. Les visages, taillés au burin, portent des regards acérés et les protagonistes s’affrontent dans des pugilats verbaux à couteaux tirés. Une série qui fait date dans l’histoire du manga.

Océane Brunet
( Mis en ligne le 03/07/2006 )
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