Bande dessinée
Manga de Jirô Taniguchi
Casterman - Sakka 2007 / 11,95 €- 78.27 ffr. / 333 pages
ISBN : 978-2-203-37343-3
FORMAT : 15,5x21 cm
Une aiguille dans une meule de foin
À la mort de son ami Sakamoto, le gardien de refuge Shiga lui promet de veiller sur son épouse et sa fille Negumi. Toutes deux quittent peu de temps après les Alpes méridionales japonaises pour emménager à Tokyo. Mais Shiga reçoit un jour un appel inquiet de la mère de Negumi qui lui apprend que sa fille a disparu.
Jirô Taniguchi nous conte avec son savoir-faire habituel le parcours d’un homme à la recherche d’une adolescente, ponctué par les incontournables digressions poétiques dont l’auteur a le secret. Le talent sans borne de ce touche-à-tout de la BD nipponne se confirme donc avec ce nouvel opus qui se révèle une fois de plus très différent –tant sur le fond que la forme- des œuvres précédentes. Que ce soit la saga historique, le récit naturaliste ou encore la chronique urbaine, le maître caméléon semble exceller dans tous les genres. Les temps forts de l’histoire sont ici maniés brillamment, mêlant moments dramatiques, enquête qui s’apparente à un palpitant jeu de piste et considérations existentielles.
Le trait saisissant du one shot met en exergue cette descente aux enfers dans les bas-fonds tokyoïtes, passés au peigne fin par Shiga. Prostitution, violence, pédophilie éclairent une face peu reluisante de la capitale. Le labyrinthe bétonné de Shibuya apparaît ainsi comme une jungle hostile pour qui cherche à y retrouver un être cher. Taniguchi réalise d’ailleurs une pirouette élégante en appréhendant la quête de son héros comme une expédition en montagne, avec ses dangers, ses pièges et les faux-pas à éviter. Certaines scènes, époustouflantes, sont d’un réalisme vertigineux, et l’étonnante expressivité des personnages leur insuffle la vie.
Mais l’auteur ne se contente pas d’un scénario à suspense étayé par des rebondissements savamment dosés. Il retranscrit aussi avec justesse l’inquiétude d’une mère, doublé d’une profonde et bouleversante remise en question. Le Sauveteur brosse le tableau de relations complexes entre des êtres claquemurés dans une incompréhension réciproque. Un chef d’œuvre.
Océane Brunet
( Mis en ligne le 14/06/2007 )
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