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Bande dessinéeet Réaliste  

À l’ombre du monde
de Marc Vlieger
Delcourt - Mirages 2009 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2756-01701-3
FORMAT : 20x26 cm

Rural profond

À l’ombre du monde n’est pas un album bucolique, comme la couverture pourrait l’indiquer. Au contraire, c’est un roman de guerre, le récit d’un duel impitoyable et perdu d’avance. D’un côté, il y a Norbert et Cédric Valfort : les Valfort, la dynastie locale d’entrepreneurs, contrôlant la mairie, et décidés à établir un immense projet immobilier, les Hauts du rocher… Le progrès, les emplois pour les gens du coin, de nouveaux habitants, une économie locale qui se redresse, même si pour cela, il faut raser quelques hectares de forêt. En face, Joseph, Lyse, Brice, Rufus… des isolés, des marginaux, mais attachés à une certaine idée de la liberté, et hostiles à un programme immobilier imposé par la famille Valfort. Et la tension, qui mûrissait dans la petite ville, grossit, finit par exploser : la crise, l’irréparable se produit. Il faut dire que les méthodes des Valfort peuvent être expéditives, et que Cédric, l’héritier, n’est pas le plus mesuré de la famille : violent avec les hommes, les femmes, la nature. Un drame se noue, sur fond de crise rurale.

Cet album est, à plusieurs égards, déconcertant, comme peuvent l’être nombre de romans graphiques : l’histoire est intéressante, séduisante… non pas le récit, un peu « la série de l’été sur TF1 », du combat de l’homme seul face à la famille de potentats locaux, mais le récit de ces vies en dehors de la société. Qu’on la fuit, comme Joseph, en se réfugiant dans la nature (on pense un peu à Voyage au bout de la solitude, le beau roman de Jon Krakauer qui a inspiré le film Into The Wild,) ou, comme Brice et Rufus, dans la marginalité et l’errance. La société oppressante, impériale est le vrai « méchant » de ce récit. Une société composée par les « normaux », en guerre contre la nature ou les déviants… En particulier, le personnage de Joseph est intéressant, un héros qui frise la folie, pas forcément sympathique mais qui interpelle le lecteur, par son côté obsessionnel. Oui, mais la réalisation graphique pèche un peu : si Marc Vlieger a un vrai sens de la mise en scène et des couleurs, qui fait de ce face-à-face rural un drame en cinémascope, le graphisme ne suit pas et fait, hélas, très amateur. Les visages sont mal esquissés, sans réalisme, moches, les postures sont improbables ou trop figées… Bref, la réalisation n’est pas à la hauteur en dépit de bonnes idées et quelques belles trouvailles graphiques du fait du maniement audacieux des couleurs. Un album décevant. Dommage.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 20/12/2009 )
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