L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

En silence
de Audrey Spiry
Casterman - KSTR 2012 /  16 €- 104.8  ffr. / 140 pages
ISBN : 978-2203-032729
FORMAT : 19x27,7 cm

La descente

C’est l’été, l’heure de la détente, des vacances, des retrouvailles en famille et des activités sportives. Aujourd’hui pour Juliette, c’est jour de canyonning. Avec son petit ami Luis, Yann le guide et une petite famille modèle, la jeune femme s’embarque dans cet étonnant défi sportif qui mélange escalade, nage et où il s’agit de descendre le lit d’un cours d’eau entre grottes et cascades et zones plus calmes. Pour Juliette, cette journée riche en émotions et décisions (je saute ou je saute pas ? je dois me laisser porter par le courant mais n’ai-je pas plutôt envie de le remonter ?...), s’avère vite être plus qu’une simple escapade dans la nature mais un moment clé pour faire le point dans sa relation avec Luis.

Si le scénario d’Audrey Spiry est assez simple et classique, c’est dans sa mise en forme que cet album prend tout son sens. Il s’agit d’abord de prendre son temps, de vivre au rythme de ces personnages. Il y a d’abord les préparatifs, puis la route à faire avant de se rendre sur le site, et enfin la longue descente, entrecoupée de pauses et de péripéties diverses. Audrey Spiry sait donner du souffle à son récit sans pour autant précipiter quoique ce soit. Il s’agit avant tout de rendre compte de l’écoulement du temps, du long moment avant le saut, ou, au contraire, de la précipitation soudaine accompagnant une chute.

Et là où l’album épate vraiment c’est dans son traitement graphique. Des couleurs vives, électriques, des taches informes qui, finement assemblée, construisent finalement un visage, un paysage, une ambiance. Audrey Spiry invente l’expressionnisme numérique au service d’une histoire. Les routes se tordent et s’emberlificotent sous les roues d’un van, les corps deviennent chewing gum, élastiques mous portés par des courants de couleurs folles et déchaînées. Et toujours, à chaque page, chaque vignette, ce risque de tomber dans le kitsch (ces couleurs !) ou le grotesque. Pourtant, la dessinatrice maîtrise tout son récit avec brio. Rien ne lui échappe et elle propose même plusieurs morceaux de bravoure qu’on n’oubliera pas : des corps dans l’eau, une dérive au hasard dans une grotte… Les éléments sont toujours présents, omniprésents, personnages à part entière de cette virée physique et quasi spirituelle: la chaleur du soleil sur un corps, quelques gouttes d’eau qui sèchent sur le visage, le vent… Spiry excelle dans le rendu de ces impressions, et cet ensemble fait de ce premier album l’une des grandes réussites de ces derniers mois.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 16/07/2012 )
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