L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Le Parc
de Oscar Zarate
Actes Sud - l'An 2 2017 /  23 €- 150.65  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-330-08650-3
FORMAT : 17x24 cm

Les beaux jours

Nous sommes à Londres, au milieu du grand parc de Hampstead Heath, où se côtoient de nombreux promeneurs. L'un d'entre eux, Chris, se fait mordre par le chien d'un autre, Ivan. Et dans la confusion du moment, c'est la victime qui est accusée et le propriétaire du chien qui s'emporte. Dès lors, les rouages de la comédie humaine se mettent en place en déclenchant vengeances, amertumes, évolution des liens familiaux et naissance d'une histoire d'amour.

Dans ce récit très banal, à mi-chemin du drame et de la comédie, Zarate joue avec nous, s'attache à ses personnages et nous les dépeint d'un réalisme de haute tenue. Les quatre principaux héros existent pour de bon, forts de leurs incohérences humaines. On apprend souvent même l'état de leurs méditations, car l'auteur sait tout de ses personnages, mais il nous montre aussi que ces petites vagues intérieures ne sont que des vues partielles de la réalité. Le monde du Parc, comme le nôtre, est un assemblage de réflexions incomplètes où les événements nous poussent à nous définir, vis-à-vis de nos rencontres, de nos parents, de nos ambitions.

Ce tableau instinctif témoigne aussi d'un profond intérêt pour les choses de la nature. Le titre ne doit rien au hasard : le livre, comme les arbres qu'il contient, semble avoir poussé spontanément et suivre la pente naturelle de ses racines. Le lettrage informatique de la version française tranche avec un dessin léger, lumineux, sensible. On plonge dans une belle journée d'été, ce qui n'est pas désagréable à cette période de l'année.

Au-delà de ce portrait coloré, Le Parc nous interroge sur les combats à mener. Chris a renoncé à la lutte, il ne veut pas se confronter à l'art, ni à la vie. Incapable d'obtenir la perfection qu'il souhaite dans sa musique, il préfère regarder en boucle un vieux Laurel et Hardy. A l'inverse, Ivan est tout en action. Il ne se remet pas en cause, n'existe que dans la confrontation, et transforme sa vie en note de blog, en mode Gargantua. Deux conceptions esthétiques qui vont se rapprocher au fil des pages. Car l'un et l'autre se ressemblent, comme le prouvent ces pages où ils se promènent parallèlement dans les allées du parc en écoutant les oiseaux. Il y a un moyen terme à trouver entre contempler et dévorer.

Les conflits ne cessent jamais pour autant, passant de mains en mains, les enfants se réconciliant quand les pères se bagarrent. Zarate compare ses héros à Laurel et Hardy, comme si nous vivions dans un film burlesque où les coups tombent en rythme.

C'est peut-être aussi que l'art et la réalité se confondent. Un récitatif du narrateur se révèle après coup écrit par Ivan, et Chris parle à son DVD. Celui-ci nous affirme que Stan Laurel et Oliver Hardy sont de mauvais musiciens dans Ton cor est à toi, plus que les maladroits qu'ils incarnent dans le film. Les personnages du récit n'apparaissent d'ailleurs qu'après les personnages de la fiction, et dans le désordre. On ne comprend que progressivement ce qui les relie. Comme dans la vie.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 03/12/2017 )
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