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Bande dessinéeet Réaliste  

Black Hole (tome 5) - Grandes vacances
de Charles Burns
Delcourt - Contrebande 2003 /  6.95 €- 45.52  ffr. / 64 pages
ISBN : 2-84789-040-8
FORMAT : 16,5 x 23 cm

Scary monsters

Avec ce cinquième volume de la série Black Hole, Charles Burns continue d’observer une jeunesse américaine en pleine décomposition. Aux sens propre et figuré. Black Hole, c’est un long cauchemar sur papier, une épique bande dessinée fleuve, quelque part entre la parodie de film d’horreur pour teenagers boutonneux et un mauvais trip de David Cronenberg. Plusieurs protagonistes qui se partagent le premier rôle, une structure éclatée parsemée de nombreux retours en arrière et des scènes vues sous différents angles : l’ensemble est parfois complexe à suivre, mais passionnant d’un bout à l’autre tant Burns est un formidable créateur d’atmosphère et un facétieux conteur.

Milieu des seventies, dans une banlieue américaine typique, on suit les dépressives avancées de quelques adolescents dans un monde toujours plus angoissant. La "crève", cette maladie que les jeunes gens se refilent, fait des ravages : excroissances, protubérances, boursouflures et autres déformations en tout genre, les conséquences de cette peste inédite vont toujours plus loin dans l’horreur organique. Le corps, mutilé par cette MST diabolique, n’en finit plus d’être maltraité, transformé, comme dans une seconde puberté aux résultats hasardeux. La maladie devient le lot affreusement quotidien de cette jeunesse paumée, pour qui les paradis artificiels n’apporteront même plus le réconfort souhaité.

Après le final explosif du quatrième tome, "Grandes Vacances" reprend le fil de l’histoire sur un rythme plus soutenu. Keith, l’amoureux transi, invite Chris la fugueuse à venir se réfugier dans la maison de ses voisins. Il finira vite par regretter cette bonne action lorsque les autres ados malades de la "fosse" viendront squatter à leur tour ce home sweet home providentiel.

Il y a d’abord, comme chez un David Lynch, cette "inquiétante étrangeté" qui traverse toute la série : familier, le quotidien devient soudainement déroutant et lointain, par des détails infimes (l’absence quasi totale d’adultes par exemple). Et puis, comme dans n’importe quelle série Z d’horreur, Burns fait appel à ces peurs primitives : les bois et la nuit, le monstrueux et le différent. Le "black hole", le sexe féminin, la grotte, la plaie ouverte, la déchirure : les métaphores graphiques et textuelles se suivent et font de ce trou noir le motif récurrent d’une sexualité terriblement angoissante pour des ados encore patauds car, forcément, cela n’est pas comme sur ces schémas scientifiques où "tout est propre et net".

Le noir et blanc de Burns est toujours aussi impérial, indémodable, sans compromis. Le trait souple et racé confère à ces cases, outre l’horreur de certaines visions, une mélancolie latente – l’amour n’est même pas vainqueur - comme la fin de quelque chose : la prom night est terminée depuis longtemps.

S’achevant une fois de plus sur un climax énervant -l’attente sera longue ! - "Grandes Vacances" conserve ce pouvoir de séduction morbide et hypnotique. Assurément l’un des must du comic américain actuel.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 31/10/2003 )
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