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Bande dessinéeet Réaliste  

Le Combat ordinaire (tome 2) - Les quantités négligeables
de Manu Larcenet
Dargaud 2004 /  12.60 €- 82.53  ffr. / 64 pages
ISBN : 2205055895
FORMAT : 24 x 32 cm

Chemin faisant

Il y a le Manu Larcenet délirant des Aventures rocambolesques ou des Cosmonautes du futur, et le Manu Larcenet songeur et émouvant du Retour à la terre ou du Combat ordinaire. Cet homme-là nous touche autant qu’il nous fait rire. Et il n’est jamais meilleur, sur la longueur, que lorsqu’il laisse vraiment s’exprimer sa sensibilité. C’est le cas avec Le Combat ordinaire. Trois mois après un prix à Angoulême (meilleur album pour le premier tome, qui n’en était d’ailleurs pas un et ne laissait pas présager de suite), «Les quantités négligeables» est le second volet de l’histoire de Marco, toujours trentenaire, toujours photographe en proie à ses questionnements, et désormais installé avec Emilie (voir notre article sur le tome 1).

Marco prépare une exposition de portraits d’ouvriers des chantiers navals où travaillait son père. Son père, qui lui annonce sa maladie d’Alzheimer. Alzheimer, que Larcenet traitait de manière bien plus ludique dans La légende de Robin des Bois. Car ici, la déchéance annoncée du père ajoute aux angoisses de Marco, et pèse tout au long de l’album. Mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi ces ouvriers, tous potes du jeune Marco à l’époque, aujourd’hui symboles d’un électorat de gauche qui finit par voter FN «pour que ça change». Et puis il y a Fabrice Blanc, le photographe génial avec qui Marco va exposer, et qui se révèle être un connard fini. Marco avance de chocs en désillusions, et c’est Larcenet qui confesse ses doutes («J’ai longtemps confondu l’artiste et son œuvre […] On peut saisir toute la beauté du monde sur du papier mais n’en jamais faire partie»).

Ce que sont les «quantités négligeables», chacun est libre de l’imaginer : ces ouvriers brisés à qui Marco veut rendre hommage, le grouillement de toutes nos vies qui font un triste monde, les presque rien qui nous font basculer d’un sourire à l’angoisse, et vice versa… Le combat ordinaire est celui qu’on livre à chaque moment contre l’irrésolution. Manu Larcenet parvient à saisir cette matière molle avec une si belle intelligence qu’on a juste envie de l’en remercier.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 18/05/2004 )
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