L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Le Photographe (tome 2)
de Didier Lefèvre , Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier
Dupuis - Aire Libre 2004 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 80 pages
ISBN : 2-8001-3540-9
FORMAT : 23,5 x 30,5 cm

La preuve par l’image

Afghanistan, été 1987. Didier Lefèvre, photographe, accompagne une petite équipe de Médecins Sans Frontières au cœur d’un pays dévasté par une guerre entre occupation soviétique et résistance des Moudjahidin. La troupe doit rallier Zaragandara, un petit village éloigné dans les montagnes, pour y rétablir une activité médicale devenue indispensable. Pour Lefèvre, c’est la première grande mission photographique et il va vivre là une expérience humaine exceptionnelle, avec des moments de profond désespoir et des instants de pure fascination. Laissant son statut de reporter de côté, c’est ici l’homme qui s’exprime, avec ses peurs, ses interrogations et ses enthousiasmes.

Le premier tome de cette trilogie racontait les préparatifs de la mission, le départ et le début de la longue et difficile marche à travers les plaines et déserts afghans. Ce deuxième épisode relate l’arrivée à l’hôpital de Zaragandara, minuscule endroit perché à flanc de colline, et le premier mois d’activité pour les hommes et femmes de MSF. Les locaux sont plus que vétustes et le matériel est rudimentaire et réduit au minimum, mais il y a une mission à assurer et chacun va s’y plier avec un courage exemplaire et une constante abnégation.

De la guerre qui fait rage au loin, Lefèvre et ses compagnons n’en verront que les terribles conséquences. Les blessés se comptent par dizaines chaque jour et il est parfois difficile de faire face. Armé de son seul appareil, Lefèvre mitraille tout ce qui se passe, note chaque événement, du plus tragique jusqu’au plus anodin comme une conversation autour du chocolat avec un médecin. Le résultat donne ce récit intime et sincère, raconté avec justesse et sensibilité.

Lefèvre, rebaptisé Ahmadjan pour ce séjour afghan, raconte son attachement à ce pays et à ces hommes. Jamais voyeur, il parle avec décence et pudeur des événements les plus dramatiques. Et les photographies parfois très dures sont les témoignages indispensables d’un monde en guerre, des preuves, « comme ça, les gens sauront ». À travers le récit de Lefèvre, le lecteur à son tour viendra à admirer ces personnes extraordinaires et, derrière toutes les horreurs quotidiennes, il décèlera les grandes valeurs qui rendent la mission supportable. Courage, obstination et générosité sortent vainqueurs de cette expédition.

Comme dans le premier volume, on retrouve le mélange de deux techniques picturales, les photographies de Lefèvre et les dessins, volontairement proches du croquis pris sur le vif, d’Emmanuel Guibert. Ce dernier venant au secours d’un cliché manquant ou inexistant. Le pari était osé, mais il est parfaitement maîtrisé et donne à ces albums ce ton unique et original. Les planches contact, traces du réel, se lisent comme de véritables séquences de bande dessinée, et les photographies ratées mais tout de même présentes font penser à un journal tenu au jour le jour avec ses ratures et ses instants que l’on veut garder à tout prix en mémoire.

Un deuxième tome tout aussi réussi que le premier, passionnant et émouvant.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 11/09/2004 )
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