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Bande dessinéeet Réaliste  

L’autre laideur, l’autre folie
de Marc Malès
Les Humanoïdes associés - Tohu Bohu 2004 /  12.35 €- 80.89  ffr. / 128 pages
ISBN : 2 7316 1567 2
FORMAT : 16,5 x 23 cm

Cicatrices

Le noir et blanc sied bien au dernier opus de Marc Malès (Mille visages, Les Révoltés, De silence et de sang…). Noir et blanc du souvenir, de la nostalgie, de la face cachée des êtres. Noir intense et épais des pleins, lignes noires des déliés. Dévorée par un cancer, une vieille femme rouvre le livre de sa vie sur une page écrite il y a longtemps, à laquelle elle n’a jamais pu mettre le point final. Comme un besoin, avant de quitter ce monde, de sentir une dernière fois battre la vie dans ses veines.

Le récit prend place en trois temps. Prologue : dans un studio de télévision des années 50, on évoque la mémoire d’une ancienne vedette de la radio américaine morte cinq ans plus tôt, Lloyd Goodman. Exorde : années 80, une vieille femme accompagnée de sa fille vient se recueillir dans une gare désaffectée. Elle ne lui dira pas un mot sur les raisons de ce pèlerinage, mais in petto elle se souvient. Troisième temps : le lecteur l’accompagne dans ses souvenirs et la retrouve, dans les années 40, valise à la main, prenant train après train, au hasard des destinations… Commence alors le film d’une tranche de vie, bobine intimiste où l’on assistera à la rencontre de deux êtres écorchés par le destin, réunis par lui pour panser leurs plaies, mais certaines cicatrices peuvent se refermer sur des impuretés qui ne vous laissent jamais l’âme en paix.

Habilement construit, L’autre laideur, l’autre folie (magnifique titre) est une pépite à savourer sans modération. A part quelques dialogues maladroits à deux ou trois reprises, l’ensemble est parfaitement juste, sensible, subtil. Les cadrages sont particulièrement soignés, expressifs. Marc Malès a l’art d’utiliser les silences, parfois bourdonnants des remous intérieurs de ses personnages. On est vite fasciné par cette femme qui livre peu à peu son mystère, et dont la beauté et l’élégance cachent si bien les tourments. La collection « Tohu Bohu » des Humanos s’enrichit d’un excellent cru, qui ne fait qu'ajouter à sa réputation.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 16/10/2004 )
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