L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

La Malle Sanderson
de Jean-Claude Götting
Delcourt - Mirages 2004 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 108 pages
ISBN : 2847893245
FORMAT : 21 x 27 cm

L'art de la fuite

Le « Grand Sanderson » est un illusionniste renommé, qui maîtrise ses tours de magie aussi bien qu’il manie le verbe dans les dîners en ville. Un homme à qui rien n’échappe, pour qui l’art du mentalisme et la psychologie n’ont plus aucun secret. Mais un grain de sable, en la personne d’une belle admiratrice, s’immisce dans ces rouages trop bien huilés d’une vie placée sous le signe de la maîtrise totale. Madame Van Nolde est mariée, mais l’oiseau n’attend que la première occasion pour s’échapper de sa prison dorée. Sanderson accueille avec prudence cet amour naissant : pas question de risquer une brillante carrière en s’affichant au bras d’une femme mariée. Nous sommes dans les années trente. Et puis il y a ce tour magistral que Sanderson met au point minutieusement, et grâce auquel il compte bien conquérir le public new-yorkais. L’horizon de l’ambitieux magicien n’épouse pas les courbes, si charmantes soient-elles, de Marie Van Nolde… Mais le destin, lui, semble vouloir s’y lover.

Elégant : c’est le mot qui viendrait à l’esprit s’il n’en fallait qu’un pour décrire La Malle Sanderson, qui marque le retour à la bande dessinée de Jean-Claude Götting (L’Option Stravinsky, La Fille du modèle, chez Futuropolis), après plusieurs années essentiellement consacrées à l’illustration de livres pour la jeunesse (et notamment, la saga des Harry Potter). L’élégance est à la fois dans le récit, qui s’ancre dans la haute société parisienne des années trente, dans sa mise en scène, toute en noir et blanc et variations de gris, et dans l’objet-livre lui-même : papier épais blanc cassé, couverture sobre, jaquette. Les dialogues sont à l’image de l’ensemble, fins, délicats.

Götting ne se contente pas de mettre en scène un magicien, il fait pénétrer son lecteur dans les coulisses de l’illusion : tout est affaire d’observation, de complicités extérieures et d’habileté physique. On le sait, bien sûr, mais ici, on le voit, et cette connivence particulière avec le personnage principal, qui grandit au fil des pages, accentue l’ironie de son sort : Sanderson, maître de l’évasion en tout genre (« Quelle est votre speciality ? lui demande une Américaine. Mind reading… and escape »), sera piégé comme le premier venu par l’amour d’une femme. Un tour, peut-être, qu’il n’aura pas pris le temps de travailler assez.

Sur plus de 100 pages, Jean-Claude Götting construit un récit plein de charme et de drame, un petit bijou à plusieurs niveaux de lecture, que l’on prend plaisir à relire.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 06/11/2004 )
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