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Bande dessinéeet Réaliste  

Le Chant des baleines
de Edmond Baudoin
Dupuis - Aire Libre 2005 /  12.95 €- 84.82  ffr. / 56 pages
ISBN : 2-8001-3676-6
FORMAT : 24 x 31 cm

L’homme qui marche

« Il semble que pour comprendre il faille toujours partir » ; cette réplique tirée de l’album Les yeux dans le mur (Dupuis, 2003), énonçait un thème primordial de l’œuvre d’Edmond Baudoin. Le voyage, ses hasards et ses errances, ses rencontres et ses souvenirs… Beaucoup d’ouvrages de cet auteur tournent autour de ce leitmotiv, et Le Chant des baleines ne dévie pas de cette ligne de conduite. Le personnage principal, Baudoin lui-même ou presque, est à la recherche de sa « note de musique dans la cacophonie du monde ». L’homme parcourt la ville, à contre-courant de cette foule de gens accrochés à leurs portables. Il suit la voie ferrée, quitte la cité pour les grands espaces et se dirige vers les montagnes. C’est là-bas, pense-t-il, derrière le col, qu’il trouvera les réponses à ses interrogations. La déambulation est ici moins innocente que dans Le premier voyage, la marche est ici obsessionnelle, nerveuse, vitale : pas le temps pour la contemplation, il y a un objectif à atteindre, il faut marcher, courir, escalader…

En chemin, l’homme croise différentes personnes : une jeune femme qui se rend à son mariage, un couple de personnes âgées totalement coupées du monde… À chaque fois, le marcheur se raconte et écoute les autres, cherchant à apprendre d’eux, regrettant de devoir les quitter, mais il n’a pas le choix. Pour ce solitaire, le voyage est aussi propice à diverses interférences : la guerre est soudainement proche, le paysage devient tableau de Goya, ou nuit étoilée de Van Gogh… Les époques et les lieux se confondent, le présent se brouille, et la course de l’homme s’accélère vers un but qui s’avère alors plus dangereux que prévu.

La couleur, rarement utilisée par Baudoin, conduit naturellement le dessinateur à donner de l’importance à ses paysages. Les lieux traversés se vident peu à peu de toute présence humaine, laissant le seul marcheur au milieu de grands espaces aussi beaux qu’inquiétants, face à une Mère Nature à la fois maîtresse et bourreau. Dès lors, les couleurs utilisées jouent alternativement des contrastes violents et des teintes terreuses. Baudoin ne fait pas dans le joli ; ses couleurs sont le reflet d’une émotion sincère, un geste expressionniste rare en bande dessinée.

Si Le Chant des baleines n’est pas l’ouvrage à conseiller au lecteur qui ne connaîtrait pas Baudoin (on lui préférera Le Portrait ou Le Voyage), les autres apprécieront une nouvelle fois la bande dessinée unique et intransigeante concoctée par un auteur résolument à part. Une promenade quelque peu décousue, parfois confuse, mais toujours poétique et forte.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 05/02/2005 )
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