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Bande dessinéeet Réaliste  

Vénus H. (tome 1) - Anja
de Jean Dufaux et Renaud
Dargaud 2005 /  13 €- 85.15  ffr. / 60 pages
ISBN : 2871297436
FORMAT : 24 x 33 cm

Tristes destins pour filles de charme

Jean Dufaux est un scénariste prolifique. On lui doit, entre autres, Murena, Giacomo C., Double Masque, Rapaces, La Complainte des landes perdues, Niklos Koda, Djinn… Sa collaboration avec le dessinateur Renaud ne date pas d’hier, puisque le premier tome de Jessica Blandy, leur seule série commune jusque-là (27 tomes parus), date de 1986. Voici donc la seconde réalisation du tandem Renaud-Dufaux, et nous vous la recommandons !

Vénus H. est un réseau parisien d’escort girls, tenu par une certaine « Mademoiselle », mystérieuse femme que nous n’aurons pas le plaisir de connaître, du moins dans ce premier tome. C’est Anja, l’une de ces prostituées de luxe, qui est au centre de l’album. Il en sera d’ailleurs ainsi pour les suivants, et là est la petite particularité de la série : à chaque album, son héroïne une « employée » de Vénus H. Anja nous raconte son histoire. Et d’emblée, le ton est donné : « Je m’appelle Anja. Je suis morte par un beau matin du mois de mai. » C’est son histoire qui nous est ensuite contée, à la première personne – en partie, car il y a deux niveaux de narration : d’un côté l’histoire d’Anja, et en parallèle la sombre manigance dont les mâchoires, inexorablement, vont se refermer sur Anja et sur le dernier homme qu’il lui aura été demandé de séduire, sans qu’elle sache pourquoi : un juge intègre, décidé à se dresser en rempart face aux magouilles politiciennes. Tout cela se rejoint pour une conclusion que l’on connaît dès le départ, mais dont on découvre peu à peu le cheminement.

Est-ce la troublante beauté d’Anja, l’ambiance du récit, les planches de Renaud (en couleur directe, du meilleur effet), le décor parisien, le découpage à la sagesse inquiétante, la mécanique classique mais bien huilée de la machination ? Le fait est que le lecteur est lui aussi inexorablement pris par cet album, où l’immense tristesse ambiante souligne la fatalité d’un destin implacable. Cette pauvre Anja commet l’erreur d’aimer, pour la première fois de sa vie – erreur fatale. On ne cherchera pas l’originalité dans le scénario de Dufaux, mais on se laissera séduire par la maîtrise des enchaînements. Les pinceaux de Renaud servent à merveille ce conte sombre hanté de morts-vivants, chacun dans son style : la call-girl désabusée, le juge qui a un peu oublié de vivre, les politiciens véreux. Plus aucune illusion dans cet univers, seule la mère du juge fait preuve d’une manière inattendue d’une once d’humanité.

Vénus H. ne prend pas vraiment le chemin d’une série, plutôt celui d’une galerie de portraits dont, sans doute, une certaine cohérence émergera. Peu importe, et peut-être tant mieux : ce premier album se lit comme se lirait un one-shot, avec un plaisir que seule la mauvaise foi pourrait faire bouder.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 21/05/2005 )
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