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Bande dessinéeet Réaliste  

Le Roi blanc
de Davide Toffolo
Casterman - Ecritures 2005 /  12.75 €- 83.51  ffr. / 152 pages
ISBN : 2-203-39617-2
FORMAT : 17 x 24 cm

Le fardeau du singe blanc

Un gorille blanc… Quelle idée ! Il en existe un pourtant, et le seul sur la planète à ce qu’il paraît. Il est né en 1963 en Guinée équatoriale. C’est un albinos. On l’a appelé Copito de nieve, « flocon de neige ». Au moment de cette histoire, il a 38 ans et vit en cage au zoo de Barcelone. Plus pour longtemps semble-t-il, car il est malade. Un cancer, dit-on. Oui, même les animaux meurent du cancer. Les gorilles en tout cas, encore une chose qui nous rapproche... Mais ne s’agit-il vraiment que d’un animal ? Et n’y a-t-il pas, dans celui-là précisément, autre chose à voir qu’un simple singe ?

Le dessinateur Toffolo est parti rejoindre Copito, l’objet de sa fascination, pour le voir faire ses derniers spectacles. En chemin, il rencontre un vieux monsieur qui ne lit pas de BD, mais a déjà vu Copito, il y a 20 ans. Puis une fille de 22 ans, qui aime les mangas, ne voit plus rien sans ses lunettes, et l’envie d’avoir déjà trouvé « qui il est ». Puis une femme encore, dont la mère va mourir du cancer elle aussi, et qui se demande si elle la déteste ou si elle a besoin d’elle. Les deux sans doute. Il nous conte ces rencontres en alternant avec des passages de l’histoire de Copito, en Guinée, passages qu’il réinvente et réinterprète à sa guise, puisque de son propre aveu, il n’en sait rien.

Ce qui passionne Toffolo chez cet animal, c’est bien sûr la bête elle-même, et sa belle histoire africaine, mais bien plus ce sont les rapports de l’homme et de l’animal, rapports à tout jamais énigmatiques à l’auteur, qui s’évertue à chercher un sens ou un message possible dans le front ridé et le regard tranquille de ce gorille qui lui fait face. Que pense-t-il de ce zoo de Barcelone où il est arrivé il y a 35 ans ? Que pense-t-il de ces gens qui s’agglutinent devant sa grille ? Il n’est pas possible qu’il n’en pense rien, il a trop de sens du spectacle, trop le sens de sa propre importance aussi, pour rester indifférent à tous ces humains qu’il fascine sans le vouloir.

C’est une BD rêveuse et sensible, qui avance à la manière d’un road movie. L’auteur se met en scène cherchant son histoire, partant en quête d’un héros puis le trouvant finalement plus intéressant qu’il se l’était imaginé au départ, et pour d’autres raisons. On doit à Toffolo un livre sur Pasolini. Si le sujet s’en éloigne, le traitement de ce deuxième album traduit en français chez Casterman reste méditatif et candide, comme une interrogation sur le sens des choses et sur le livre en train de s’écrire. Intégrée à une mise en scène maîtrisée et d’une grande liberté formelle, le dessin noir et blanc précis et pro se suffit quasiment à lui-même… Les récits africains de l’enfance de Copito et du mythe qui l’entoure sont plus réussis que les passages autobiographiques, mais cet album sensible et émotif trouve pleinement sa place dans la collection « Ecritures ».

Jean-Baptiste Perret
( Mis en ligne le 14/10/2005 )
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