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Bande dessinéeet Réaliste  

Les Rêves de Milton (tome 1)
de Frédéric Féjard , Sylvain Ricard et Maël
Dupuis - Aire Libre 2005 /  12.94 €- 84.76  ffr. / 64 pages
ISBN : 2-8001-3752-5
FORMAT : 23,5 x 31 cm

Les raisons de la colère

1930, dans un petit bourg de Caroline du Nord. La Grande Dépression est passée par là et les conditions de vie sont chaque jour plus difficiles pour les fermiers de la région. La sécheresse qui règne n’arrange rien aux affaires et l’heure du départ vers le grand Ouest prometteur a sonné pour bon nombre de ces familles ruinées. Parmi elles, il y a les Cry sur qui la malchance et la misère semblent s’acharner. Henry, le père dépassé par les événements, se résout à vendre ses modestes terres asséchées et sur lesquelles le tabac ne pousse désespérément plus. Quant à son épouse Ellen, elle vend son corps à quelque notable du coin pour rapporter à ses sept enfants une ration de viande et de légumes supplémentaire. Pas de doute, l’herbe doit être plus verte ailleurs ! Et voilà la famille Cry rejoindre le convoi des fermiers en route vers des territoires plus fertiles.

Et puis il y a Milton, le fils aîné, un colosse doux et simplet. Une force de la nature qui peut rester des heures à contempler vers de terre et papillons et qui adore par-dessus tout la musique. Son jeune frère Billy aimerait bien profiter de la puissance et des gros bras de Milton pour assouvir ses envies de vengeance. Sept ans plus tôt, Billy fut le témoin d’un meurtre et pour le faire taire, l’assassin lui broya la main droite à l’aide d’un maillet. Depuis, le jeune homme en veut à la terre entière et c’est cette même haine qu’il tente d’insuffler à son rêveur de grand frère.

Les Rêves de Milton se situe dans une Amérique ravagée par la misère et la pauvreté. Le désespoir pousse à la violence et les existences sans cesse malmenées conduisent à des actes extrêmes et malheureux. On pense à John Steinbeck forcément : la vie sur la route, l’espoir d’une vie meilleure après la Crise, et cet hercule gentil qu’est Milton s’apparente à un cousin proche de Lenny. Intérieure et rentrée, la rage explose brutalement à quelques moments du récit dans des instants de brusque violence déchaînée laissant le lecteur abasourdi et immédiatement saisi par l’action. Les personnages sont attachants et d’une belle humanité malgré la cruauté et le désespoir qui les poussent parfois. On suit avec intérêt l’itinéraire mouvementé de cette famille prise dans la tourmente. La petite maison dans la prairie, c’est définitivement à côté.

Aux crayons et pinceaux, Maël réalise ici un très beau travail, moins lumineux et moins lisse que pour la série Tamino (Glénat). Son trait s’effiloche plus volontiers, exhibant ainsi une nervosité et une sécheresse qui accompagnent parfaitement les propos relatés. De même la palette de couleurs ternes et jaunes rend bien compte de paysages durement ensoleillés, écrasante lumière qui surexpose les lieux autant qu’elle exacerbe les sentiments.

Cette aventure devrait connaître son dénouement dans un second tome d’ores et déjà attendu avec enthousiasme.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 07/11/2005 )
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