L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Un été calme
de Arne Bellstorf
Editions de l'An 2 2006 /  14 €- 91.7  ffr. / 94 pages
ISBN : 2-84856-064-9
FORMAT : 16,5 x 22,5 cm

Bienvenue dans l’âge ingrat

Ce sont les derniers jours des grandes vacances d’été. Le soleil brille haut et fort sur la banlieue désertée. Christophe redouble sa seconde et passe son temps à errer dans son quartier, jouer à la console vidéo ou dormir dans sa chambre en attendant que le temps passe. Sa mère s’absente souvent, et les échanges sont rares au sein de cette famille décomposée. L’été va toutefois prendre un tournant plus agréable lorsque Christophe rencontre Myriam, la jolie fille du fleuriste. Les deux jeunes gens s’apprécient et passent du temps ensemble, mais rien n’est simple dans une relation, surtout à un âge où tout est nouveau et différent.

Premier livre d’un jeune auteur allemand, Un été calme est un petit plaisir de lecture qui, s’il ne tient pas toutes ses promesses, dresse avec beaucoup de délicatesse le portrait d’une adolescence qui se cherche, confrontée à de nombreuses questions qui paraissent toujours existentielles ; une période délicate où l’on est sans cesse tiraillé entre la pudeur et le désir d’être vu, la rébellion et la volonté d’être accepté. Arne Bellstorf use d’un humour tendre pour caractériser ses personnages : Christophe promène ainsi un grand corps gauche et une face d’éternel endormi qui rappelleront à bon nombre de lecteurs les affres de l’âge ingrat !

Mais au-delà de cette tranche de vie de teenager mal dans sa peau, l’auteur s’intéresse aux échos de cette solitude à travers le personnage de la mère. Le père et mari absent, c’est une femme orpheline qui reste avec son garçon. Sans se parler ni se comprendre, mère et fils portent un même mal-être et cherchent quelqu'un à qui se raccrocher, ne pouvant pas voir que le secours est peut-être juste là, à côté de soi. La mère fugue, le fils reste à la maison, les rôles s’inversent dans une confusion sentimentale et psychologique qui touche tout le monde. Et si en cette fin d’été l’orage gronde, il n’éclate jamais vraiment, laissant chaque protagoniste dans un état constant fait de tristesse et de peurs.

Graphiquement, on perçoit un auteur fasciné par l’Amérique et ceux qui l’ont dessinée. Il y a du Hopper dans ces images de rues pavillonnaires désertes, ou dans cette vision d’une chaise longue sous le soleil. Mais c’est aussi et surtout l’esprit de Daniel Clowes, Chris Ware ou même Charles Burns qui inspire avant tout le pinceau sûr et précis de Bellstorf. Comme un Wim Wenders qui rêve de grands espaces et de western lorsqu’il tourne Au fil du temps, Bellstorf fait de cette banlieue allemande une petite Californie de cinéma et le lycée devient un campus. L’auteur procède par petites scènes, moments de silences et ellipses audacieuses. Le revers de la médaille étant une frustration qui subsiste une fois l’album refermé. Car à force de toujours tout effleurer et ne pas vouloir trop en dire, on ne dit pas grand-chose. On aurait en effet bien aimé accompagner ces personnages attachants encore pendant quelques pages…

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 31/03/2006 )
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