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Bande dessinéeet Réaliste  

Secrets / L'Ecorché (tome 1)
de Frank Giroud , Florent Germaine et Rùben Pellejero
Dupuis - Empreinte(s) 2006 /  13.50 €- 88.43  ffr. / 64 pages
ISBN : 2-8001-3757-6

Barbouille et barbaque

Le peintre maudit, c’est tout un programme, un destin en soi : Tristan est de ce genre de héros. Fils abandonné d’un couple de communards, il est affligé d’une malformation qui le défigure et lui impose le port d’une minerve couvrant le bas du visage. Elevé avec amour par ses parents adoptifs, un couple de bouchers, il est persécuté par les durs du quartier. Son seul refuge, c’est l’art… et une jeune femme en particulier, Mathilde, une femme de la bourgeoisie, le modèle idéal et inaccessible en même temps. Et il n’y aurait que cela… Mais la vie est compliquée, et le talent ne fait pas toujours vivre, alors Tristan se fait boucher le jour, et peintre le soir. Un compromis bizarre, au service d’un destin non moins bizarre.

A l’origine de la série Secrets, il y a un lourd secret de famille, un cadavre qui traîne dans un placard. Cette fois, c’est un peintre, dont l’aspect et les origines sont mystérieux, en quête d’un amour impossible, et qui, peu à peu, commence à percer le mystère de sa naissance. Intrigant, le scénario concocté par Florent Germaine et Frank Giroud développe à merveille le décor d’un Paris 1900, entre apaches, garçons bouchers et impressionnistes : jouant sur l’image du peintre à la fois bohème et novateur, les auteurs font le portrait d’un génie incompris, et de la réalité de l’aventure impressionniste… la dèche, la galère, le galetas où le peintre, famélique, tente de donner vie à ses visions en mendiant de quoi vivre ! Sans céder à la facilité (la vie de bohème comme une fin en soi), ils montrent les difficultés du héros à assumer travail et passion, la rude amitié des garçons bouchers dans le Paris fin de siècle des anciennes Halles et des lendemains de la Commune.

On se croirait par moment dans un exemplaire de L’Illustration, le news magazine du temps : spécialement les images de l’exposition universelle. De même, certaines planches ont des allures de « déjeuner sur l’herbe » et autres « guinguetteries » de la Marne…. Hommage ? On pourrait croiser Toulouse-Lautrec au détour d’une image. Le graphisme de Ruben Pellejero dans des tons sépias, très riche, très nuancé, à la fois attentif au détail et à l’impression d’ensemble (les personnages, finement dessinées, ressortent au sein de décors quasi flous : bel effet, un peu comme dans La Fille du professeur, de Guibert) offre un cadre idéal à ce récit bien mené et remarquablement colorisé (l’influence du Sambre d’Yslaire, autre histoire de malédiction familiale, est également discernable) : on attend le deuxième tome avec impatience.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 23/05/2006 )
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