L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

La Marie en plastique - Seconde partie
de Rabaté et David Prudhomme
Futuropolis 2007 /  14.50 €- 94.98  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-7548-0060-0
FORMAT : 22x30 cm

Gens de France

On avait laissé la famille Garnier avec un miracle sur les bras : posée sur la télé, la Vierge en plastique ramenée de Lourdes par Mamy pleure des larmes de sang. Phénomène plutôt extraordinaire qui ne plait pourtant pas trop à Papy, survivant communiste et râleur de première pour qui ces bigoteries de petites dames ne sont rien d’autres que des « attrape-couillons ». Le torchon n’en finit plus de cramer dans la petite maison, et c’est tous les soirs le petit théâtre de Don Camillo et Peppone ressuscités au grand dam du reste de la famille qui ne peut assister que placidement à ces chamailleries incessantes.
Et devant les larmes de Marie, voilà que les enfants sont dès lors pris de bondieuserie aigue (le petit Tom a répondu juste à une question d’arithmétique : un véritable miracle !), puis c’est tout le village qui vient se recueillir devant la maison élue, jusqu’à l’équipe de foot locale à genoux dans la cuisine. Bref, ça bouge à Bazouges, Maine-et-Loire !

Chronique atypique d’un quotidien franchouillard qui dérape, La Marie en plastique se déguste comme une comédie à l’italienne, avec personnalités truculentes et ironie cinglante, pertes et fracas. L’émergence d’un spirituel pas très drôle dans cette famille modeste et sans histoires dégourdit les esprits et bouscule quelque peu le train-train. Et pourtant, tout est forcément trop grand, trop inexplicable pour que l’on perde son temps à s’ébahir ou se laisser dépasser alors autant rester soi-même, la Vierge en plastique remisée au second-plan, dans sa cuvette au-dessus du buffet de la cuisine, les Garnier continuent à vivre comme avant, en attendant que le Vatican daigne donner de ses nouvelles…

Bouchées à la reine et toile cirée, première communion et petits napperons, Nous deux et Gala, gants Mapa et reliquaire en Lego… le monde de La Marie en plastique est celui des petites gens simples, travaillant le jour et se querellant autour d’une blanquette sans riz le soir. Pascal Rabaté et David Prudhomme se gardent toutefois bien de toute moquerie; leur regard sur ce petit monde simple et tranquille est toujours empli d’une grande tendresse, et ne tombe jamais dans la condescendance ou la prétention. Les deux beaux-frères enchaînent les blagues vaseuses et les allusions salaces et pourtant, ils sont continuellement campés comme d’aimables et aimants maris, d’une désarmante bonhomie et toujours proches de leur famille. Le Papy grincheux et têtu cache parfois mal son amour des autres (il demande à voir son petit-fils lorsqu’il se retrouve à l’hôpital après un malheureux accident domestique). Quant à la grand-mère dévote, sa bouille ronde et ses yeux bleus qui pétillent la rendent immédiatement attachante et rigolote. Chaque personnage est ainsi joliment caractérisé, l’ensemble formant une petite communauté que l’on prend grand plaisir à suivre dans cette aventure peu commune. Avec des dialogues finement écrits de Rabaté, remplis d’expressions désuètes, triviales ou carrément lourdaudes, et le dessin immédiatement familier de Prudhomme, cette comédie humaine existe intensément.

Le résultat est un diptyque drôle et tendre, raconté avec une confondante simplicité par une paire d’auteurs inspirée et proche de leurs personnages. Un récit aéré et drôle où l’émotion, jamais forcée, affleure pudiquement, derrière quelques gestes fugitifs et autres petites attentions. Quant à savoir si un miracle a vraiment eu lieu à Bazouges… tout au plus, l’équipe de foot a gagné un joli trophée qui remplacera la Marie sur la télé.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 17/07/2007 )
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