L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Zoo (tome 3)
de Philippe Bonifay et Frank
Dupuis - Aire Libre 2007 /  14 €- 91.7  ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2-8001-4004-9
FORMAT : 23,5x31 cm

Zoophilie

Le premier tome de Zoo était paru en 1994, le second en 1999, tous deux remarqués au sein de la collection « Aire Libre ». Puis le troisième volume de la trilogie s’était fait attendre, retardé par le retour de Frank sur son autre héros Broussaille. Le voilà enfin sorti, et il ne déçoit pas.

On retrouve avec grand plaisir la brochette de personnages : Célestin, le bon patriarche, fondateur du zoo et médecin des esprits ; sa fille adoptive, Manon, d’une sensualité spontanée, se balançant entre l’enfance et l’âge adulte à force de vivre parmi les bêtes comme une sauvageonne ; Buggy l’artiste, sculpteur et dessinateur de ce qui l’environne ; et enfin Anna, exilée, mutilée, persuadée d’être une femme sans âme.
Le temps a passé, pourtant, dans le zoo comme pour le lecteur. Et la guerre, celle qui a commencé depuis 1914, n’a pas rendu Célestin, réquisitionné à la fin du tome 2. C’est le temps des lamentations dans l’ancien paradis terrestre ; un paysage ocre et gris remplace la jungle luxuriante, les animaux sont vendus pour cause de famine généralisée. Sous les dômes vides, les statues des animaux disparus ne comblent pas leur absence. Pour sauver ce qui reste du jardin d’Eden et restaurer la famille originelle, Anna part dans les tranchées à la recherche du gentil docteur.

Ce dernier chapitre est lent et silencieux, un chant unique pour clore le récit du Zoo. Douleur et espoir, les dernières passions de cette histoire sont vécues avec l’ampleur qu’elle mérite. Frank et Bonifay appuient leurs procédés de page en page, le temps d’une longue lettre et de flash-back nourris, avec une insistance qui pourraient ressembler à du pathos si elle n’était pas tout simplement émouvante. L’onirisme prend souvent le devant de la scène, pour faire passer avec fantaisie, ou du moins originalité, la dureté du récit. Un mélange de réalisme et de rêve qui emporte le cœur.

On ne retrouvera pas autant, forcément, le superbe bestiaire animalier dont Frank faisait le portrait dans les tomes précédents, mais il nous livre en échange une magnifique image de la disparition, architecture perdue du zoo privée de sa raison d’être, villages en ruines au milieu des gravas de la guerre. Ce n’est pas là un ouvrage de référence sur la vie des soldats, mais ça n’en est pas moins une belle et triste illustration de la guerre. Anna rencontre sur son chemin la mort, la tristesse mais aussi la compassion et le respect ; une ode à l’humanité parfois plus fantastique que réelle, mais profondément touchante. Au milieu des déserts, une femme sans âme marche, pour symboliser l’espoir du retour de la vie : on ne peut que marcher avec elle.
La seule petite déception vient de l’épilogue, inévitablement un peu court après cette ample conclusion. Mais c’est le signe que la vie est encore présente, et qu’auteurs et personnages partent dans de nouvelles directions. Si les seconds nous quittent sans doute pour de bon, malheureusement, on continuera d’attendre les albums des premiers. Ils viennent d’ores et déjà de mettre le point final à une belle œuvre.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 05/11/2007 )
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