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Bande dessinéeet Réaliste  

Lettres d’Agathe
de Nathalie Ferlut
Delcourt - Mirages 2008 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-7560-1162-2
FORMAT : 20 x 26,3 cm

Les mystères de la mère morte

« Ma petite maman chérie, je crois que tu ne m’as jamais aimée, n’est-ce pas ? » La première page de cet album ne laisse aucun doute sur la tonalité de ce qui va suivre. Les Lettres d’Agathe sont le récit d’une relation mère-fille douloureuse, « ratée », comme on peut rater un train ou un rendez-vous. Agathe est née au lendemain de la guerre, d’un père qu’elle ne connaîtra pas, car il quittera sa femme et son fils avant que son deuxième enfant ne vienne au monde. Est-ce la raison pour laquelle sa mère n’a jamais pu aimer cette petite fille, qui incarnait l’échec de son premier mariage ? C’est une question que se posera l’enfant, parmi bien d’autres, à mesure qu’elle grandit et qu’elle cherche à comprendre, sans en parler qu’à elle-même, pourquoi sa mère est si peu aimante. Cette mère qui s’est remariée et qui chérit tant, pourtant, les deux fils qu’elle a eus.

Tout au long de ces 96 pages, Nathalie Ferlut maîtrise son récit. Un récit à la première personne, auquel elle a donné la forme de lettres qui, en trois époques, tissent le fil des souvenirs d’Agathe: l’enfance, la mort de la mère et le début de sa vie hors de la maison familiale, et enfin l’âge adulte et la résurgence du passé. Patiemment, Nathalie Ferlut nous fait nous attacher à Agathe, entrer en empathie avec elle, et vouloir comprendre ce que cache le désamour de cette mère. Car, bien sûr, il cache quelque chose, il ne peut en être autrement. Il pèse comme un mystère autour de cette femme, et il n’est pas seulement dans la tête de la petite fille. Les autres personnages sont suffisamment soignés pour que naisse tout un monde auquel on croit, une France des années 50 et 60, où l’on ne s’embarrasse pas de psychologie dans les familles, où les discussions importantes se font à voix basse, où les adultes paraissent vraiment, aux yeux d’un enfant, vivre dans un autre monde.

Ce n’est pas tant la progression vers la découverte du secret de la mère qui fait le sel de cet album, même si elle compte, bien entendu, et qu’elle est bien menée. C’est surtout l’art avec lequel l’auteur installe ses personnages, et se demande ce qui fait le lien entre une mère et son enfant, et la différence entre un homme et une femme. Des thèmes atemporels et universels. C’est sans doute pourquoi l’on ne peut qu’être touché à la lecture de ces Lettres d’Agathe.

Le langage graphique est tout aussi soigné, avec des planches rythmées alternant d’intéressants découpages de cases sans filet, peut-être pour mieux évoquer les images mentales. Le trait épais et les couleurs chaudes réalisées au pinceau servent très bien ce récit intimiste, d’autant plus remarquable que Nathalie Ferlut n’avait signé jusque-là, en tant que scénariste et dessinatrice, qu’un album en deux tomes : Le Bel Inconnu, chez Carabas (2004 et 2005).

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 02/07/2008 )
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