Bande dessinée
Réaliste de Jean-David Morvan et Igor Kordey
Delcourt 2008 / 12.90 €- 84.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7560-0438-9
FORMAT : 23x32 cm
Chien de guerre
Un chien de guerre, un guerrier absolu, une bête de combat, un moine-soldat…Amaréo Zamaï, c’est un peu tout cela à la fois… Mais c’est surtout un soldat légendaire de la première guerre mondiale, sans peur, sans reproches… sans espoir de survie non plus… Et peut être est-ce là le secret de sa férocité. Bien des années plus tard, à l’aube d’une défaite comme la France n’en avait pas connu, Blaise Boforlant, dernier témoin des exploits d’Améréo, évoque sa mémoire devant Marvin Selcap, un journaliste américain venu l’interviewer… Dehors, les nazis sont à nos portes, mais dans la chambre de Marvin, les deux hommes reconstituent, patiemment, la geste d’un immense poilu venu d’Afrique, si terrible qu’un journal de tranchée, « Le coeur des batailles », le prendra comme héros et unique sujet… et la légende naît. Avec ce second tome, on entre dans l’enfer de Verdun, au fort de Vaux, là où le kronprinz entend “saigner à blanc” l’armée française. Amaréo et ses camarades sont coincés dans le fort, encerclés… mais rien de plus dangereux qu’un fauve coincé dans sa tanière !
Suite de la série Le cœur des batailles, entamée avec la Marne, on retrouve les tranchées, le sang, la mort, la peur, la barbarie du combat et – au milieu – Amaréo Zamaï, armé de sa seule conviction, implacable et distant. C’est un récit étrange, à mi-chemin de la dénonciation de la guerre et de la fascination pour le guerrier. Jean-David Morvan (Sillage, Troll, Meka…) chemine entre Tardi (C’ était la guerre des tranchées) et Junger (Orages d’acier) pour nous emmener dans ce récit à la fois séduisant et un peu inquiétant. Racontées par une tierce personne, les aventures de Zamaï sont comme irréelles, et sa figure même se détache des autres personnages, un peu comme une divinité guerrière égarée parmi les humains… Zamaï, silencieux, s’avère terriblement présent. Mais ce résultat est également dû à une mise en scène d’Igor Kordey qui, après Empire et L’Histoire secrète, fait une nouvelle fois montre d’un talent original, un style propre et très séduisant, au croisement du comics et de la ligne claire, à la fois réaliste et tout en rondeur. En particulier, les combats sont représentés de manière fragmentée, donnant l’illusion du mouvement et d’une forme de sauvagerie emblématique de Zamaï. De même, il faut saluer le travail du coloriste (Walter), lequel sait jouer de la monochromie avec talent pour figurer des scènes de carnage (verdâtre), ou de combat (dans les tons bleus)… une jolie réussite pour une série qui s’impose d’emblée dans un créneau difficile, celui du récit de guerre historique.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 22/07/2008 )
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