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Hellboy (tome 9) - L’Appel des ténèbres
de Mike Mignola et Duncan Fegredo
Delcourt - Contrebande 2008 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 192 pages
ISBN : 978-2-7560-1417-3
FORMAT : 17,3x26,4 cm

Les bons contes font les bons comics

2008 aura été une belle année pour les fans de Hellboy. Un deuxième film sur les écrans, une nouvelle série (Hellboy aventures, également chez Delcourt, reprise de la série plus grand public et dérivée du dessin animé Hellboy animated), et deux nouveaux tomes traduits à quelques mois d’intervalle.

Et ce dernier opus est juste merveilleux ! Mignola au scénario confirme son intention d’aller plus loin que les conventions, plus loin que les frontières qu’il s’était lui-même involontairement fixées, enrichissant continuellement son univers d’éléments merveilleux, d’idées étranges, le tout brodé sur un faux rythme laissant une belle part à la contemplation et à un certain lyrisme gothique entre deux scènes de castagne explosive. Finis les méchants nazis scientifiques et autres X-files finalement plus proches de notre quotidien (de téléphage ou de lecteur s’entend…), et devenus comme trop familiers, plus du tout surprenants. En allant chercher l’inspiration du côté des légendes du monde, en puisant quelques secrets de fabrication dans les fables ou en dénichant des créatures étonnantes dans les mythes, Mignola fait de sa série une suite de récits définitivement éloignés des modes et des traditionnelles publications du genre. L’auteur voit plus loin que la fantaisie distrayante et ancre son univers dans quelque chose de plus consistant. Épaulé par les folklores qu’il adapte à merveille, Mignola fait de son héros plus qu’un super héros justement, mais bel et bien une figure légendaire, un mythe des temps modernes. Et de conférer à sa série une certaine gravité, une poésie sombre et solide, une thématique robuste superposant des concepts à l’évidence toute séculaire.

Sans chercher à résumer l’intrigue, peu compliquée finalement mais que Mignola s’amuse à enjoliver de textes fleuris et de souvenirs d’aventures passées, disons seulement que Hellboy va avoir fort à faire entre un solide guerrier qui ne peut pas mourir, un congrès de sorcières qui voudraient en faire leur nouveau roi, et le retour de Baba Yaga, la sorcière russe à qui le démon rouge avait autrefois chipé un œil. Comme dans un conte de fées que l’on aimerait se raconter au coin du feu, tout commence lorsque le héros s’aventure dans une forêt sombre à la tombée de la nuit. Le reste n’est que créatures démoniaques, invocations diaboliques, animaux qui parlent et divinités extraordinaires. Et au centre de cette cosmogonie fantastique, les «Fils de !…» et autres «Sales connards d’armée de squelettes de merde…» crachés par Hellboy n’en sont que plus réjouissants.

Un bouleversement à signaler, et de taille : Mignola range son crayon, et laisse ses encres noires à un nouveau venu, Duncan Fegredo. Mais que les fans ne s’effraient pas ! Le dessinateur, plutôt inconnu chez nous mais déjà remarqué pour Enigma ou Kid Eternity, s’en sort miraculeusement, adoptant le style du maître sans le copier, et sans le trahir non plus. Drôle de gageure parfaitement relevée par cet artiste qui se fond dans la série avec une aisance magistrale, comme si le bonhomme avait été là depuis le début. Les scrutateurs tatillons trouveront les sept différences : le trait de Fegredo est plus nerveux, plus à l’aise dans les détails, les fignolages et les cadrages alambiqués, mais peut-être aussi plus classique par rapport aux lignes anguleuses et épurées de Mignola. Mais l’ambiance est là et bien là, toujours superbement soutenue par les couleurs monomaniaques de Dave Stewart.

L’Appel des ténèbres a été préalablement édité tout au long de six comics, publiés d’avril à novembre 2007 chez Dark Horse.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 12/11/2008 )
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