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Bande dessinéeet Comics  

Corps de pierre
de Joe Casey et Charlie Adlard
Delcourt - Contrebande 2010 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2-7560-1878-2
FORMAT : 17,3x26,4 cm

La « métamorchose »

Tous les fans de comics connaissent la Chose, l’un des quatre fantastiques, l’homme devenu une statue de pierre vivante… Joe Casey et Charlie Adlard ont pris l’affaire au sérieux, pour imaginer la lente et terrible pétrification de Tom Dare, un homme normal, qui sort à peine d’un divorce, et se réveille un matin en pleine pétrification. Le fantastique est ici juste à l’état latent, comme un parfum, une variation minérale de la célèbre Métamorphose de Kafka : une maladie génétique bizarre frappe Tome Dare, un lent processus qui commence sur l’ongle d’un doigt pour envelopper peu à peu tout le corps… mais, un peu comme dans Walking Dead, l’enjeu n’est pas dans le processus lui-même (et dans ce qu’il aurait de fantastique et surnaturel…) mais plutôt dans les interactions du « héros » avec le monde des « normaux », son avocat, ses amis, son ex-femme, sa mère… La métamorphose touche peu à peu la vie de tout le monde et, au cœur de l’histoire, Dare change de rôle, passant de l’incognito à l’héroïsme, la célébrité, le merchandising même : devenu une cause, Dare n’a plus qu’un rêve, trouver sa place.

Le scénario de Joe Casey, spécialisé dans les comics, tout en sobriété et en nuance, a su donner à l’histoire le ton adéquat : pas de sensationnalisme, mais une affaire intime, un mal-être figuré par une transformation, une sorte de métaphore de la solitude moderne, ou de l’isolement des individus au cœur de la société. Dessinateur remarqué de Walking Dead, Charlie Adlard livre cette fois un one shot dans ce style sobre, réaliste qui lui a valu une large reconnaissance. Exploitant de nouveau ce noir et blanc dont il maîtrise si bien les effets, les transparences et les contrastes, il se contente d’introduire, touche après touche, pour figurer la pétrification du héros, une tache de gris, par ci, par là, comme un élément de couleur (ou de non couleur) dans un monde de transparence. Dans un style comics à la fois classique et efficace, l’histoire s’articule parfaitement autour de cette petite tache de gris qui augmente, et dans la méthode, on songe à une déclinaison comics des albums de Schuiten et Peeters, qui partagent d’ailleurs avec Adlard ce même goût pour l’expressionnisme noir et blanc. Un récit riche, sensible, toujours sur la corde : une belle fable, un peu philosophique, un peu fantastique, qui ramène le lecteur à cette sensation, banale et précieuse, d’être humain.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 23/07/2010 )
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