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L’Église et l’État (vol. 1) - Une histoire de Cerebus
de Dave Sim
Vertige Graphic 2012 /  36 €- 235.8  ffr. / 598 pages
ISBN : 978-2849990940
FORMAT : 17x24 cm

La route du sommet

Revoilà Cerebus. C’est un oryctérope. Un barbare, un guerrier. Mais embarqué dans les intrigues d’une ville en pleine mutation, il devient sans l’avoir prévu l’enjeu d’une formidable quête spirituelle.
Lorsque ce troisième volume commence (deuxième dans l’édition française), il écrit tranquillement ses mémoires. Mais le petit monde politique d’Estarcion ne l’a pas oublié. Il y a Lord Julius, incarnation d’un Groucho Marx bureaucrate divisant pour mieux régner. Le président Weisshaupt, à la recherche d’un homme de paille pour gouverner sous sa tutelle. Le lion de Sepra, chef de l’Église officielle, voulant à tout prix conserver son pouvoir. Et de nombreuses femmes, séduisantes et déterminées, féministes égalitaires ou tenantes d’un matriarcat. Au milieu, contre vents et marées, Cerebus, ancien premier ministre, n’a jamais d’intention cachée, jamais de plan secret. Il cherche l’or et le pouvoir.
Les deux vont lui arriver sur un plateau d’argent. Et, enfin à même de décider pour les autres, il va s’en donner à cœur joie. Jusqu’à bousculer la stabilité de cet univers, renverser les pouvoirs en place et proclamer la fin du monde. Au fil des pages se profile une ambiance téléologique qui culminera dans le deuxième volume, quand le héros se rapprochera très physiquement de Dieu.

Au sein de ce mastodonte narratif qu’est Cerebus, l’épisode L’Église et l’État apparaît en soi comme un des plus longs récits de l’histoire de la bande dessinée. Le travail de Dave Sim, fait de strates et de tranches superposées au fil du temps dans des logiques perpétuellement renouvelées, peut se décomposer en plusieurs époques. Les 1200 pages des deux volumes de L’Église et l’État en sont un des points culminants. Et une remarquable pierre angulaire.

C’est l’aboutissement des premières évolutions du personnage depuis sa création, et c’est encore de cette longue aventure que Sim tirera la matière des deux cents épisodes suivants : justifiant, commentant, développant, court-circuitant les différents éléments de ce cycle, se prenant comme source et comme objet.
C’est aussi une des meilleures portes d’entrée dans la série, d’autant plus que les deux volumes forment une histoire cohérente. Les personnages défilent dans des rôles comiques désopilants, sans perdre de vue un long crescendo de tension et d’imbrication des événements.
Dave Sim n’y épargne pas sa peine. Loin de la religiosité qui imprègnera son œuvre des années plus tard, il se moque allègrement de toute croyance, des idées et des convictions. Son cynisme fait merveille dans un numéro d’ironie permanente, où il reste toujours quelques pages en avance du lecteur.
Il joue aussi sur la forme, délicatement, présentant au passage des parodies de Prince Vaillant et des X-Men. Éclatant dans des mises en pages renouvelées, surprenantes, tout en assurant un dessin souple et dynamique. L’arrivée au décor de Gerhard lui apporte beaucoup.

Après ce diptyque où il aura poussé les logiques à leur terme, et remis en cause la vie et le sens de son personnage principal, Cerebus n’aura plus le même goût. Quelque chose de tragique ne le quittera plus. Peut-être le sentiment d’avoir accompli sa chanson de geste la plus éclatante.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 05/03/2012 )
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