Bande dessinée
Comics de Grant Morrison et Darick Robertson
Delcourt - Contrebande 2013 / 14.95 €- 97.92 ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-7560-4215-2
FORMAT : 19x28,3 cm
Le père noël est une ordure
Autrefois, Nick Sax était un flic brillant et respecté, marié à une charmante femme. Aujourd’hui, c’est une loque, une épave, une carcasse mal en point, bourrée à l’alcool et aux cachets, abandonnée par son épouse et devenue, par la force des choses tueur à gages. C’est que le gentil flic n’a pas voulu se plier aux diktats de la mafia du coin, et plutôt que devenir ripou, comme tous les autres, il s’est consciencieusement fait brisé, humilié, ratatiné. Aujourd’hui, il traîne son manteau usé et sa tronche amochée dans les rues sordides d’une grande ville corrompue à tous les niveaux. C’est un beau loser qui va une fois de plus s’attirer des ennuis suite à un contrat qui tourne mal. En cette période de noël, le voilà pris en chasses par la pègre, une armée de sadiques tortionnaires et ses anciens collègues flics. Qui va donc bien pouvoir le sauver ? Happy bien sûr ! La petite licorne bleue ailée !!
Dans la série on mélange les genres, Grant Morrison fait ici très fort avec ce récit violent et percutant où le salut vient d’une créature de cartoon complètement improbable. Là où des auteurs peu chevronnés se seraient cassés la figure dès la première apparition de ce doudou ex machina, Morrison et Robertson font passer ce délire narratif avec une évidente simplicité, au point de faire dévier leur récit sombre vers une sorte de buddy movie inédit. Entre l’ex-flic grincheux et mal en point et la petite créature délirante, une sorte de drôle d’amitié s’installe, pour donner une fructueuse collaboration.
Forcément, le récit était trop glauque, trop noir. Dès la première planche, c’est un sale clébard qui pisse sur un clochard en train de vomir. Le décor est planté. Les auteurs n’ont pas peur d’aller jusqu’au bout de la caricature outrancière, pour mieux finalement surprendre le lecteur. Dans cette Gotham puissance 10, la moindre phrase de huit mots comprend sept insultes, et la violence est partout. Morrison en fait des tonnes jusqu’à l’apparition de ce petit cheval bleu aux grands yeux si mignons. Dès lors, le récit prend une autre tournure et devient une sorte de polar très noir mais aussi très drôle, pour peu que l’on goûte à l’humour à base de neige grise, de père noël camé, et d’enfants bâillonnés. Au final, c’est l’imaginaire le grand gagnant, face à une réalité sordide et sans issue.
Comme toujours avec les scénarios de Grant Morrison, il ne faut pas rater une virgule de peur d’être largué ou de passer à côté d’un élément capital, mais une fois plongé dans cette ambiance moisie, c’est un pur moment de bonheur que de suivre les péripéties de cet anti-héros à la ramasse et de son petit compagnon imaginaire.
Cette édition française reprend les épisodes 1 à 4 de cette mini-série parue chez Image entre décembre 2012 et février 2013.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 29/09/2013 )
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