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Witchfinder (tome 1)
de Mike Mignola et Ben Stenbeck
Delcourt - Contrebande 2013 /  16.95 €- 111.02  ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-7560-3967-1
FORMAT : 17,3x26,5 cm

Ghostbuster

Les fans les plus assidus de Hellboy connaissent déjà le héros de ce récit, Sir Edward Grey, qu’ils ont aperçu, le temps de quelques vignettes et sous forme d’esprit, dans le deuxième tome des aventures du héros cornu (Au nom du diable), puis dans Le Diable dans la boîte et Le Troisième Souhait. Il n’est alors qu’un spectre androgyne, un gardien fantomatique parmi d’autres, qui surveille Hellboy et les autres démons. Dans le premier tome de Abe Sapien, « La Noyade », Grey apparaît dans les premières planches et est le prétexte à une histoire de marins et de sorciers. C’est que, avant d’être un esprit, Grey était un homme, un vrai, au service de sa majesté, un détective de l’occulte qui a rendu un fier service à la reine en zigouillant quelques sorcières qui en voulait à sa tête et sa couronne. Son surnom, le Witchfinder, il le doit donc à son activité principale, traquer sorcières et démons. Nous sommes en 1879, dans le Londres victorien. Et voilà que Sir Grey a maintenant droit à sa série à part entière.

L’univers de Hellboy est en perpétuelle expansion: après la saga éponyme, il y a eu B.P.R.D., puis les épisodes consacrés à Abe Sapien, Lobster Johnson et enfin cette nouvelle saga autour de Sir Edward Grey. L’intention de Mignola, exprimée à demi-mots dans un texte présent dans l’album est aussi ambitieuse que naïve, il s’agit d’être partout: « (...) dès qu’un truc me plaît, il faut que j’en aie ma propre version dans l’univers de Hellboy. » C’est sans doute ce qui fait tout l’intérêt et la qualité de cette œuvre à part dans le monde du comics (un seul auteur qui chapeaute l’ensemble veillant sur ses créatures et ne les laissant pas s’échapper): Mignola s’inspire de tout, le digère et le ressort à sa manière, avec une évidente cohérence. Comme si tous ces éléments disparates issus des contes, du folklore, de la littérature fantastique et des films d’horreur avaient été faits pour, au final se retrouver transposer dans une bande dessinée. Les lecteurs de Mignola sont toujours en terrain connu et en même temps agréablement surpris par le mélange des genres, l’humour omniprésent et les références à d’autres univers.

Avec Witchfinder, c’est l’occasion de toucher à un autre monde connu pour son ambiance et ses mystères (il est d’ailleurs dit que Sir Grey démasquera Jack l’éventreur...): Londres à la fin du XIXe siècle. D’un côté l’aristocratie guindée, de l’autre les bas-fonds et les taudis humides. Entre les deux, Sir Edward Grey qui gère une affaire difficile: après une expédition dans le Sahara, autour d’une cité plus vieille que Troie, les différents membres meurent dans d’étranges circonstances. Plus tard, Grey réalise qu’une créature féroce erre dans Londres. L’occasion de traverser la ville et de croiser quelques figures caractéristiques; de la jolie éplorée aux voyous des bas-fonds en passant par une société secrète peu avenante.

Comme souvent chez Mignola, la recette est simple et brute, et ça fonctionne pour de bon malgré tout. Il y a une épure de moyens, des personnages carrés, immédiatement identifiés, des monstres moches et méchants, des bagarres qui cognent et au milieu de tout ça une ambiance ésotérique et fantastique qui fait passer avec poésie et grâce ces moments de pure action.
Les dessins de Ben Stenbeck (Lord Baltimore toujours avec Mignola) n’ont pas la finesse (notamment dans la gestion des physionomies, un peu grossières et rigides) et l’inventivité du maître mais ils restent suffisamment bons pour dispenser une atmosphère soignée et stimulante. Comme toujours, l’album se termine par quelques pages de croquis et de recherches, bonus appréciables et toujours enthousiasmants.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 27/12/2013 )
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