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Hellboy en enfer (tome 2)
de Mike Mignola
Delcourt - Contrebande 2017 /  19.95 €- 130.67  ffr. / 288 pages
ISBN : 978-2-7560-6098-9
FORMAT : 22,6x30,2 cm

Couleurs: Dave Stewart

Le chant du cygne

C’est un choc, une claque. Mike Mignola, dont le travail sur Hellboy souvent en pilotage automatique semblait parfois tourner à vide, prouve avec ces deux derniers albums de l’arc Hellboy en enfer, qu’il a encore beaucoup d’atouts dans son jeu, et quelques cartes maîtresses jusqu’ici habilement dissimulées, sorties au bon moment, comme une quinte flush royal qui terminerait en beauté une partie acharnée. Ce dernier opus de Hellboy sera peut-être le dernier donc. Dans la chronologie, en tout cas. On se dit bien que Mignola ne pourra pas laisser tomber son personnage comme cela et que le diable rouge reviendra sans doute dans des aventures qui prendraient place par-ci par là au cours de sa vie (rappelons-nous l’épisode du Lost weekend de Hellboy au Mexique).

Pour ce livre, ce petit bijou noir et classieux, Mignola se lâche. Lui qui n’a pas vendu son âme au diable mais à Hellboy, décide de faire ce qu’il sait faire de mieux : raconter un récit mais avec ce petit truc en plus, cette grâce, cette classe incroyable et surtout cette poésie naturelle, ce faux rythme, à contre-courant total de toute l’industrie du comics. Mignola laisse faire son instinct, et tant pis s’il laisse sur le carreau quelques lecteurs bas du front. Snobisme ? Prétention ? Non, mais une maîtrise totale de son personnage, une compréhension parfaite de son univers. Mignola qui depuis longtemps a su brasser mythologie, fantasy, contes, super-héros, grosses bastons et drames gothiques, sait qu’il peut prendre son temps et donner à son personnage une allure mythique, légendaire. Si Hellboy a parfois été pris comme une gentille série avec des gros monstres et des coups de poings, cet ultime opus vient donc remettre les pendules à l’heure fatidique, cruciale, et montrer de quel bois se chauffe Mignola. C’est de la poésie graphique, des instants sublimés ou finalement, rien vraiment ne se passe, juste une faible lumière colorée dans la nuit, un oiseau qui se pose ici, un crâne là, une cloche qui sonne… C’est une ambiance. Et dans ce petit théâtre d’ombres noires, il y a tous ces esprits qui rôdent, ces fantômes qui errent, et ces mythes qui s’entrechoquent. Satan, Belzebuth, les harpies…

C’est magnifique, inclassable, et pour les amateurs qui ont dévoré la saga Hellboy et qui ont vu, peu à peu, le style de Mignola s’affiner (autant graphiquement que scénaristiquement), s’affuter, c’est irréfutable: une consécration ultime, un point final et d’honneur. C’est un dénouement sobre, mais triomphal, un épisode discret mais capital. Une élégie en noir et un peu moins sombre. Un chant du cygne émouvant, mythique, à la hauteur d’un personnage clé de la bande dessinée américaine.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 10/01/2017 )
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