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Malédictions
de Kevin Huizenga
Vertige Graphic Coconino Press - Offissa Pupp 2006 /  20 €- 131  ffr. / 128 pages
ISBN : 2-84999-017-5
FORMAT : 21,5x29 cm

Variations Glenn Ganges

Malédictions regroupe cinq histoires dessinées entre 2002 et 2004 par le jeune artiste américain Kevin Huizenga, récemment remarqué en France avec Ganges (également édité chez Vertige & Coconino), autre recueil de courts récits. Le personnage de Glenn Ganges est le point commun à ces fables inclassables et qui, d’une planche à l’autre, hésitent entre différents genres. Si la première histoire, « Green Tea » (adaptée d’une nouvelle de Sheridan Le Fanu) est ouvertement ancrée dans un fantastique victorien, elle n’en garde pas moins quelques éléments insolites et décalés. Quant à « 28th Street », que l’on a déjà pu lire dans le deuxième numéro de Black, c’est l’adaptation libre d’un conte traditionnel italien que Huizenga s’amuse à transposer avec beaucoup d’humour dans un univers contemporain forcément en rupture. Avec son allure un peu insignifiante et son faciès tout ovale et lisse comme un énième avatar de Tintin, Glenn Ganges est un personnage multiple qui permet ainsi à son auteur de le placer facilement, sans perdre aucune cohérence, dans différents registres et de multiplier les ambiances.

Le dessin de Huizenga s’apparente à une « ligne claire » lâche et pleine de fausses hésitations : le trait reste comme en suspens autour d’un visage, les courbes, irrégulières, ne se terminent pas, comme si le dessinateur refusait d’enfermer ses personnages et ses récits. L’auteur aime en effet les diversions et les chemins de traverse, et le lecteur est souvent habilement baladé, perdant un fil qu’il croyait principal pour en suivre un autre. La narration de Huizenga suit ainsi le cours de ses pensées, un mot dans une vignette évoque une nouvelle idée qu’il s’agit de développer la vignette suivante et ainsi de suite. La démonstration qui en résulte tourne parfois à une suite de séquences étonnamment bavardes, et en laissera sans doute quelques-uns sur le bas côté. On pense en particulier au dernier récit, « Jeepers Jacobs », drôle d’histoire (en couleurs pour une fois) qui commence comme une scène de vie banale, une simple anecdote autobiographique, et qui prend rapidement les allures d’un long exposé sur la nature des Enfers par un séminariste inquiet et cérébral.

Une compilation certes inégale mais qui réserve quelques très beaux moments et dont l’originalité de ton reste toujours séduisante.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 29/09/2006 )
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