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Bande dessinéeet Fantastique  

La Confrérie du crabe - Deuxième partie
de Mathieu Gallié et Jean-Baptiste Andreae
Delcourt - Terres de légendes 2009 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2-7560-1170-7
FORMAT : 23x32 cm

L’avancée du crabe

Dans cette deuxième partie, on commence un peu mieux à comprendre ce qui se passe dans l’étrange hôpital de La Confrérie du crabe. C’est que la situation n’est pas banale… Bernadino, Jarvis, Nicolo, Côme et Maël, quatre enfants perdus dans leur blouse grise, n’ont pas un cancer habituel : en tous cas, ils sont persuadés que le crabe qui s’agite dans leur corps est bien vivant, avec pinces et carapace. Imagination d’enfant ou réalité fantastique ?
Le problème est que le fantastique ne s’arrête pas là. Les chirurgiens de cet hôpital ont des manières bien à eux de garder les enfants à la vie. Une vie éternelle, mais avec contrepartie. Soit ils sucent le sang directement, en bons vampires, soit ils momifient leurs patients, soit ils jouent les docteurs Frankenstein en puissance… Ce monde tient sur des logiques curieuses, qui échappent aux rationalités traditionnelles.

Gallié et Andreae continuent de rendre hommage au cinéma, celui des productions Hammer, qu’ils revendiquent, mais aussi celui des chefs d’œuvres du fantastique : après le loup-garou et Nosferatu, nous rencontrons Frankenstein, son assistant bossu et une horde de morts-vivants. Le jeu consiste à intégrer ces figures mythiques à un récit construit, et cela marche plutôt bien.

Étonnante image, qui transforme les icônes des fictions monstrueuses en figures salvatrices, à la recherche de l’éternité, comme des dieux. Et plus étonnante encore l’image inverse qui transforme les médecins, autant redoutés et menaçants que désirés, en monstres fantastiques issus de nos cauchemars communs. Nosferatu, Frankenstein et Imhotep, sur le même plan qu’Hippocrate… La science se confond avec la magie, le rêve avec les machines.
C’est une jolie fable, un récit intrigant et accrocheur, où les deux auteurs montrent un savoir-faire certain et une audace prompte à renouveler le genre. Si les décors et les compositions s’avèrent souvent musclés, on peut seulement regretter quelques rapidités dans les expressions des personnages.

Scénariste et dessinateur ont surtout l’intelligence de ne pas miser sur les hommages et les clins d’œil pour remplir leur fiction : la trame narrative et la précision du dessin s’associent pour rendre les atmosphères aussi angoissantes que dans les œuvres évoquées. Les excellentes couleurs font plus qu’y contribuer, et même les maladresses apparentes, comme la parenté de visage entre les différents garçons, finissent par ajouter au sentiment d’étrange.
La fascination pour le corps en putréfaction, pour les squelettes, la transformation à venir lorsque la chair ne tiendra plus, tout cela laisse planer la peur de la mort, au milieu de la quête toute prosaïque d’une porte de sortie. De quoi nous faire partager largement les sentiments des héros.
On s’accroche donc aux personnages, à leurs angoisses et à leurs rares espoirs, en espérant échapper à ce monde de cauchemar comme on voudrait parfois échapper au nôtre.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 02/02/2009 )
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