Bande dessinée
Fantastique de Benoît Ers et Dugommier
Dupuis 2009 / 9.45 €- 61.9 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2800144290
FORMAT : 21x29 cm
Loi de Murphy
La loi de Murphy est un classique pour fatalistes pragmatiques : si quelque chose doit mal tourner, alors cela doit forcément arriver. Si en plus, vous êtes affligés de problèmes familiaux d’importance, d’une personnalité bipolaire (voire schizophrène) et d’amis un rien bizarres (et pas forcément fiables)… La victime en l’occurrence, c’est Alexia, moitié sorcière, moitié exorciste, arrivée, à la suite d’un massacre à la tête du CRPS, un institut qui s’occupe d’occultisme et de problèmes surnaturels, la version française, et magique, du sous-sol de Mulder dans X-Files. Seulement voilà, depuis quelques temps, les bizarreries surnaturelles se multiplient : des phénomènes étranges, liés à la magie blanche, et qui semblent désigner quelque chose, ou quelqu’un. Des phénomènes annonciateurs d’une catastrophe, mais laquelle ? Dans le tome 5 de cette excellente série, on en apprenait davantage et notamment que le parrain angélique d’Alexia, Gabriel (rien que ça !) était visé. Ce nouvel album, qui clôt cette affaire, vire au thriller : pendant que l’ancêtre sorcière d’Alexia tente, grâce à des complices bien introduits, de pousser la jeune femme dans son identité de sorcière, le vrai père d’Alexia, un esprit mal embouché, manipule son monde pour un objectif qui demeure mystérieux… et en ligne de mire, l’ange Gabriel, déchu, cible annoncée et bouc émissaire de toute cette magie, convaincu que seule son exécution par Alexia – laquelle est rien moins que favorable - achèvera le cycle… Un thriller occulte et cornélien, il fallait l’inventer !
On ne s’en lasse pas : la cousine occultiste de Spirou explore, dans ce sixième album toujours très réussi, les aspects les plus sombres de son destin. Partagée entre deux personnalités, entre deux formes de magie, elle doit, pour résoudre cette équation, tuer un ange déchu qui se trouve être son meilleur (son seul ?) ami… et s’il n’y avait que cela : le CRPS est partagé entre plusieurs factions, poussé à bout par un service gouvernemental encore plus occulte (c’est dire) et soumis aux manipulations de deux esprits rivaux. Bref, une intrigue joyeusement tordue de Dugommier, qui montre, avec ce sixième tome, une réelle virtuosité à cheminer entre aventure, drame et thriller. On est désormais loin du premier album et d’une héroïne encore légère : la part d’ombre d’Alexia lui donne une profondeur séduisante, prometteuse. Quant à Benoît Ers, il est toujours inspiré, pleinement conscient de l’ambiance et de la tonalité à donner à ce personnage, de plus en plus mûr. Bien servi par le remarquable travail de couleurs, tout en contraste et en atmosphères, de Scarlett, Ers a su donner à son trait, plutôt rond, un côté tragique, perceptible notamment dans les attitudes des personnages (les couvertures conjointes des tomes 5 et 6 en sont une belle démonstration). Bref, une série qui reste constante dans la qualité et l’inventivité, et qui – plaisir supplémentaire – avance à bon rythme.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/10/2009 )
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