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Bande dessinéeet Fantastique  

Jour J (tome 13) - Colomb Pacha
de Jean-Pierre Pécau , Fred Duval et Emem
Delcourt - Neopolis / Série B 2013 /  14.30 €- 93.67  ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2-7560-3536-9
FORMAT : 24x32 cm

Les envahisseurs

Il était dit que Christophe Colomb découvrirait l’Amérique… quant à sa religion, tous les cas sont imaginables. En l’occurrence, avec Colomb Pacha, c’est un Colomb converti à l’Islam qui conclut une traversée de l’Atlantique en croyant débarquer aux Indes… Un Colomb converti par nécessité, faute de commanditaires chrétiens, un Colomb prêt à beaucoup pour vérifier sa théorie, y compris passer pour un renégat ou un faux dévot. Mais la terre qu’il a trouvé est peuplée : d’Indiens, certes, mais également d’autres gens… On dit d’eux qu’ils sont des démons cornus, qu’ils se battent comme des démons, et qu’ils enlèvent les hommes pour les dévorer. Se pourrait-il qu’un autre peuple soit déjà parvenu avant lui dans ces Indes occidentales, un peuple sauvage, prêt à tout pour protéger sa colonie. Entre les menaces du nouveau monde, et les tensions de l’ancien, Colomb doit manœuvrer avec habileté : saura-t-il échapper aux dangers de cette nouvelle réalité ?

Après le contemporain, la série Jour J investit enfin les autres périodes, et notamment l’histoire médiévale. Avec ce nouvel album, on est dans l’uchronie dure, celle où décidément, l’histoire a pris une direction radicalement différente. En l’occurrence, les rois catholiques – Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon – ont raté la Reconquista : l’Espagne est demeurée musulmane, placée sous la houlette des Almohades, et donc si Colomb part bien vers les Indes part une nouvelle route, c’est avec la bénédiction d’Allah. Ce ne serait que ça, l’uchronie serait déjà belle, mais les auteurs ont décidément eu envie d’aller plus loin : sur place, les conquérants se heurtent à d’autres conquérants, plus anciens sur le site, les Vikings (ou du moins leur descendance) déjà installés et peu partageurs… en attendant l’empire chinois, également sur les rangs. Pécau et Duval se sont frottés au vieux débat sur les découvreurs effectifs des Amériques, pour régler efficacement la question, à coup de mousquets et de flèches. Bref, de l’uchronie et de la vraie, joliment mises en scène autour d’un héros discret, le savant juif Cohen, qui observe Colomb et ses commanditaires, coincés entre les défiances religieuses et les dangers américains. Au pinceau, Emem fait également une jolie fresque, pensée comme un film, avec des décors très « américains » (on est au Nord plus que dans les Caraïbes), notamment de sous bois et de jeux d’ombre, et quelques grandes scènes de combat. L’ensemble rappelle plutôt Le Dernier des Mohicans, jouant ainsi sur plusieurs imaginaires. Un bel album, très original et surprenant, qui sait utiliser les ressources de l’Histoire pour la détourner sans incohérences.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 23/06/2013 )
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