L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Chemin perdu
de Amélie Fléchais et Jonathan Garnier
Soleil - Métamorphose 2013 /  17.95 €- 117.57  ffr. / 104 pages
ISBN : 9782302030503
FORMAT : 20,1x28,3 cm

Goonies au pays des Merveilles

Décidément, toutes les parutions de cette collection « Métamorphose » sont à surveiller de près. Chaque ouvrage met en avant un univers fantastique richement représenté et privilégie les graphismes peaufinés, travaillés. Pas question d’épure ou de vite fait bien fait dans ces livres-là, mais au contraire, tout est fignolé, ornementé, décoré. Et au-delà des planches, c’est la présentation générale du livre qui est soignée, rappelant l’univers des contes de notre jeunesse voire de vieux grimoires enchantés. Ainsi, après Billy Brouillard, Eco, ou le récent Dans la forêt, la collection s’enrichit d’un Chemin perdu que l’on adore déjà emprunter.
L’histoire est simple: trois enfants d’un camp de vacances sont dans la forêt, embarqués dans un jeu de pistes qui s’avère vite plus compliqué que prévu. Malgré son assurance, il faut bien se rendre à l’évidence, le trio de jeunes aventuriers est perdu ! Et dans cette partie de la forêt qui n’a plus rien de familier, c’est le début d’une grande aventure fantastique qui commence. Les jeunes gens vont croiser quantité de créatures incroyables et bizarres, et dans ce labyrinthe surréaliste et parfois inquiétant, il va bien falloir affronter quelques drôles d’épreuves si l’on veut bien retrouver son chemin.

Derrière cette trame aux nombreux rebondissements mais finalement peu originale – on reste dans une sorte de classique « Goonies au pays des Merveilles » – c’est tout le travail graphique d’Amélie Fléchais qui est ici à admirer et qui fait l’intérêt de ce livre. On remarque d’abord une alternance de planches en couleurs et de pages en noir et blanc. A la lecture, on s’aperçoit que ce traitement graphique ne dépend pas du scénario et des événements, mais reste quelque peu aléatoire. On pense ainsi à ces livres de jeunesse lorsque, au détour d’une page, une illustration en couleurs nous sautait au visage après plusieurs pages en noir et blanc.

Le dessin d’Amélie Fléchais est déjà d’une grande force et fait preuve d’une superbe maîtrise: les arbres, les feuilles, l’écorce… cette forêt vibre et vit de mille lignes sinueuses et tordues. Les silhouettes s’y perdent, les ombres se faufilent. C’est un plaisir de voir ces cases remplies à ras-bords de hachures, de griffures et de traits, qui ne perdent pour autant jamais en lisibilité.
Mais c’est dans son travail des couleurs que tout le talent d’Amélie Fléchais explose réellement : il y a un ici jeu inédit qui allie à la fois des techniques numériques et traditionnelles, et des combinaisons inventives mettant en scène textures, transparences et formes. L’organique et le végétal se muent peu à peu en une discrète abstraction, et le dessin se géométrise: il y a dans ce graphisme à la fois moderne et pourtant pleinement ancré dans une tradition de l’illustration pour enfants une intensité esthétique qui donne corps et profondeur à cette forêt enchantée. Un lieu idéal pour y installer un bestiaire fantastique, et c’est toute une mythologie qui est mise en place, oscillant, comme chez Miyazaki, entre le potache (les hérissons pom-pom girls), et le carrément inquiétant.

Un joli voyage et une artiste à suivre de près.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 01/07/2013 )
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