L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Magic Pen
de Dylan Horrocks
Casterman 2014 /  264 €- 1729.2  ffr. / 264 pages
ISBN : 9782203081352
FORMAT : 19.7x27 cm

Magie Magie, vos idées ont du génie

C’est l’histoire de Sam Zabel, dessinateur en panne d’inspiration, qui gagne sa vie en scénarisant faute de mieux les aventures d’une super-héroïne sexy. Jusqu’au jour où la route de Sam va croiser celle du magic pen, une plume qui permet à un dessin de prendre littéralement vie. Le voilà dès lors plongé d’un univers à l’autre.
Le concept semble usé jusqu’à la corde : classiques de la littérature enfantine (Émilie et le crayon magique), héros de bande dessinée (Spirou) et bandes dessinées dites d’auteur (Le Pays miroir, Opus) ont fait de ce voyage entre fiction et réalité une tarte à la crème plutôt ringarde. Pourtant ici, le cliché prend une autre allure : car Sam Zabel n’est rien d’autre que l’alter ego de Dylan Horrocks.


Celui-ci nous avait régalés, il y a quinze ans, avec Hicksville, utopie bédéphile au fin fond de la Nouvelle Zélande. Et depuis, plus rien en librairie, si ce n’est quelques scénarios pour Batgirl. On le voit, l’introduction de Magic Pen flirte avec l’autobiographie. Dès lors, le thème fantastique n’est pas juste une soi-disant métaphore du pouvoir de l’artiste, c’est un témoignage sincère sur l’engagement d’un dessinateur dans son œuvre. Qu’est-ce qu’une bonne bande dessinée ? est la question sous-jacente à tout le travail de Dylan Horrocks.
En choisissant un argument simple, le dessinateur prend le parti d’accrocher facilement son public. Il faut dire que l’histoire est d’abord parue sous forme de webcomics et qu’elle en a gardé une lisibilité et une efficacité extrêmes. Là où Hicksville multipliait les constructions complexes, cette suite s’affiche comme apparemment linéaire. On tourne les pages en douceur, emporté par un récit qui n’a jamais l’air d’y toucher.


Mieux : Horrocks s’efforce de nous communiquer son plaisir. Il y a toujours quelque chose de jouissif pour le bédéphile à entrer dans un monde où la bande dessinée semble être la référence absolue : où les boutiques spécialisées foisonnent et où le statut le plus envié est celui de dessinateur. Mais au-delà de cette culture populaire, Magic Pen se laisse aller à décrire des mondes fabuleux, issus des fantasmes de dessinateurs de tous horizons. Harem de femmes vertes, équipage pirate amazone, le livre met en scène des imaginaires forts, gratuits et amoraux. On salive, tout en se demandant avec les personnages si une fiction doit être morale. À cette question, Horrocks répond tout à la fois oui et non, dans un jeu subtil qui le fait retomber sur les pieds du politiquement correct tout en osant les habillages du sexisme, de l’adultère et de la perversité. Au final, la bonne bande dessinée, nous dit-il, c’est celle qui relève d’un choix personnel du dessinateur, ses fantasmes y compris.
En associant humour, émotion, mise en abyme et efficacité, Dylan Horroks signe un nouveau petit bijou. À noter que l’édition française du livre précède de peu la sortie des autres versions au niveau international, et que de l’aveu même de l’auteur, la traduction de Jean-Paul Jennequin est particulièrement soignée.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 02/11/2014 )
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