L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Sandman (tome 2) - La Maison de poupée
de Neil Gaiman , Mike Dringenberg , Chris Bachalo et Michael Zulli
Delcourt - Contrebande 2004 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 160 pages
ISBN : 2-84789-366-0
FORMAT : 17,5 x 265,5 cm

Prisonnier des rêves

Avec le deuxième tome de la série Sandman, les éditions Delcourt poursuivent – dans le désordre – la publication en français de cette série culte née pendant la première moitié des années quatre-vingt-dix. « La Maison de poupée » regroupe dans un épais volume les épisodes 9 à 16 (s’ouvrant chacun sur les superbes couvertures originales de Dave McKean) et raconte l’histoire de la jeune Rose Walker à la recherche de son petit frère disparu.

Sandman, Morphée, Dream, Lord Shaper… les noms sont nombreux mais ne désignent qu’un seul être, celui qui règne sur le monde du Rêve. Avec ceux de sa famille, les Infinis, portant les noms évocateurs de Destiny, Delirium ou encore Desire et Death, Sandman régente un domaine privilégié des vivants, intervient quand il le faut, et s’assure que l’activité onirique de ses sujets ne soit pas bouleversée. Dans « La Maison de poupée », Sandman est confronté à la disparition de quatre de ses sujets, dont le terrifiant Corinthien, et va être le jouet d’une machination ourdie par la dangereuse Desire.

Quinze années après sa première publication, la série de Neil Gaiman reste toujours aussi prenante et passionnante. Pénétrer le monde onirique de Sandman, c’est l’assurance d’une lecture aussi dépaysante que mouvementée, riche en moments forts et scènes percutantes, remplie de personnages insolites et de rencontres inattendues. Dans « La Maison de poupée », on croise ainsi la route de deux jeunes femmes tout de blanc vêtues, couvertes d’araignées, un homme qui ne veut pas mourir et qui traverse les siècles et, dans un trou paumé de Georgie, on assiste à un congrès d’amateurs de céréales qui cache en fait le plus grand rassemblement de tueurs en série du pays… Les intrigues sont folles et complexes, tissant plusieurs fils narratifs qui ne se combineront que dans les dernières pages. Denses et travaillés, les dialogues apportent une remarquable profondeur et brossent un portrait tout en nuances du Sandman. Ce marchand de sable est un personnage torturé, tout droit issu d’une tragédie moderne, confronté à ses doutes et partagé entre ses responsabilités et sa curiosité envers la nature humaine.

L’univers mis en place par Gaiman pourrait se définir comme un astucieux croisement entre le Little Nemo de Winsor McCay, les épisodes sixties du Doctor Strange écrits par Stan Lee, et la culture gothique émergeante des années 80 (Sandman cultive une certaine ressemblance avec Robert Smith…). Les dessinateurs qui se succèdent sur les épisodes privilégient toujours une mise en scène graphique quelque peu éclatée, livrent des visions tout droit sorties d’un tableau de Dali, usent de couleurs violentes, et s’emploient à d’ambitieux mélanges de techniques. Et si certains de ces effets ont, il est vrai, pris un peu d’âge, l’ensemble reste d’une incontestable cohérence et instaure une ambiance inquiétante et hypnotique.

Primé au festival d’Angoulême 2004, Neil Gaiman reste assurément un auteur incontournable de la scène du comic book. Avec « La Maison de poupée », il livrait là un modèle du genre, riche et envoûtant.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 23/10/2004 )
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