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Bande dessinéeet Fantastique  

Le Souterrain
de Xavier Gélard et Sandrine Martin
Editions de l'An 2 - Roman visuel 2005 /  18 €- 117.9  ffr. / 88 pages
ISBN : 2-84856-039-8
FORMAT : 19 x 23 cm

De 17 à 77 ans

Outre le fait de régulièrement mettre dans la lumière le travail de jeunes artistes (illustrateurs et écrivains) à l’aube d’une carrière, la collection « Roman visuel » des Éditions de l’An 2 signe sa singularité dans la conception d’un nouveau genre littéraire, entre la bande dessinée pour adultes et le livre illustré pour enfants. Il n’est dès lors peut-être pas facile d’aborder ces ouvrages, ne sachant a priori d’abord pas trop à qui ils s’adressent. Le Souterrain est un livre d’images dont on ne se servirait pas pour endormir le petit dernier… On le garde pour soi, et ainsi retrouver, d’une certaine façon, ses premières émotions de lecture en découvrant les illustrations en pleine page et le petit texte narratif qui les accompagne.

Sans doute parce qu’il est très secret et solitaire, le petit garçon héros de ce récit est surnommé « le souterrain » par ses camarades d’école. Il vit dans une immense maison qui semble la plupart du temps totalement vide. La mère est partie, et le père passe ses soirées à consigner dans de petits carnets ses impressions et sensations du jour. L’enfant se pose des questions et se renferme devant des réponses floues et peu satisfaisantes. En classe, le petit garçon mélancolique et triste va faire la connaissance de Guillaume, un enfant qui lui est étrangement ressemblant : « Nous pourrions être jumeaux », se disent-ils. Lors d’une escapade à l’intérieur de l’immense bâtisse, c’est vers un véritable souterrain secret cette fois que les deux garçons vont bientôt se diriger, drôle d’endroit où le reflet du miroir serait peut-être la seule réalité…

Racontée avec une fausse naïveté et des textes volontairement dépouillés, l’histoire de cet enfant anonyme et mystérieux est aussi troublante qu’originale. Les éléments d’une certaine tradition fantastique y sont convoqués (grande maison déserte, passages secrets, mystérieuses disparitions, doubles), mais le ton refuse le spectaculaire et conduit l’ensemble vers un étrange endroit à la poésie froide et austère, parfois même dérangeante. Aux nombreux non-dits du texte s’accolent les « non-vus » de l’image : visage coupé ou effacé, larges bandes biffant un lieu, décor le plus souvent réduit à l’essentiel, à savoir le vide... La qualité des illustrations réalisées par Sandrine Martin réside dans une grande liberté artistique : compositions décalées, perspectives bancales, proportions étranges… L’ensemble bascule peu à peu dans un monde onirique, jusqu’à atteindre une chute inattendue.

Un joli conte, refusant toute coquetterie et facilité, pour laisser s’élaborer quelque travail en profondeur dans l’esprit du lecteur.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 20/09/2005 )
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