Bande dessinée
Fantastique de Jean-David Morvan , Bruno Bessadi et Christian Lerolle
Soleil 2007 / 12.90 €- 84.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2849467992
FORMAT : 24x32 cm
Petites décapitations entre amis
« L’éternité, c’est long, surtout sur la fin… » Si Woody Allen connaissait le monde de Zorn et Dirna, il serait certainement convaincu de la justesse de cette saillie plutôt drôlatique… Car dans cet univers fantasy un peu barré, la mort, la faucheuse, la camarde, est aux abonnés absents. Et qui dit pas de Mort dit pourrissement général de la population, aux prises avec l’inévitable usure des corps. Une sorte de zombification lente et inéluctable, sauf pour quelques privilégiés qui justement tirent les rênes de ce complot anti-mortifère. Une seule alternative à une dégradation lente : la décapitation qui transfère l’âme du défunt (temporaire) dans le corps de son bourreau : pratique, au risque de quiproquos douteux. Il existe toutefois une solution : elle repose entre les mains de deux jumeaux, Zorn et Dirna, dotés d’un pouvoir à la fois salvateur et inquiétant, celui de donner effectivement la mort ! Un pouvoir qui inquiète légitimement les maîtres du moment, lesquels les pourchassent sans répit. Mas dans leur fuite, les deux enfants se sont trouvé les meilleurs des alliés, leurs parents… Inconvénient toutefois : Splata, la maman, est désormais installée dans le corps d’un barbare bodybuildé et tatoué de deux mètres de haut… autant de perdu pour la séduction féminine. Cela n’empêche pas l’amour, mais ça reste douteux. Et il va bien falloir que Zorn et dirna remettent un peu d’ordre dans tout cela. Pour cela, ils doivent échapper aux griffes de Kerozinn, guerrière et limier à la solde d’Hochwald 1er, le roi caché (du fait de la colère légitime de ses sujets). Bon courage !
Avec Zorn & Dirna, on reconnaît d’emblée la patte de Jean-David Morvan, l’auteur désormais connu de Sillage et de Troll : à partir d’une hypothèse fantastique, il construit un monde dont les règles suivent logiquement les présupposés de départ… ici, la disparition de la mort et l’éternité. Et donc toute l’intrigue repose sur les différentes manières de contourner cette fameuse immortalité décrépissante, ainsi que sur les problèmes qu’elle pose (notamment au roi Hochwald, dont le fils – dauphin à perpétuité – complote forcément). Une décrépitude que le pinceau de Bruno Bessadi rend, non pas avenante, mais manifeste : la cour du roi Hochwald, vieille de plusieurs siècles, invente un style original de zombies. Mais Bessadi brille également dans le mouvement, et notamment les combats. Aussi l’album est-il fertile en action : si les deux jumeaux sont plutôt moches (regard kawaï énervant), le reste est ciselé, fignolé avec application pour donner un univers médiéval fantastique, avec un zeste nippon, très réussi (on savoure notamment le combat contre la mort elle-même, beau morceau de dessin sur deux pages). Les amateurs apprécieront par ailleurs les contributions de dessinateurs, en annexe, surfant sur l’univers de Zorn et Dina…. quelques belles variations. Bref, une série qui continue sur sa bonne lancée, celle d’une intrigue solide, à rebondissements, dans un univers original. À suivre…
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 28/05/2007 )
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