L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Le Pont
de Christian Durieux
Futuropolis 2007 /  18 €- 117.9  ffr. / 120 pages
ISBN : 978-2-7548-0087-7
FORMAT : 22x30 cm

Centre de gravité

Tout commence sur une mer glacée, une vaste étendue bordée d’icebergs et de blocs infranchissables sur laquelle vogue à l’abandon une petite capsule de fer et ses trois passagers. Il y a là Salpatrès, le savant, et ses deux assistants. La fin semble proche pour cet équipage qui dérive et souffre de plus en plus du froid et de la faim. Après une dernière sortie sur un étrange pont de glace, les trois hommes sont finalement sauvés par un navire et conduits jusqu’à la proche cité. Là, Salpatrès fait part de ses recherches sur la géographie de cette zone et les mystérieux déplacements qui s’y déroulent. Le savant fait aussi la rencontre de la belle Léda, la femme du gouverneur, au charme hypnotique et envoûtant.

À la fois récit fantastique et histoire d’amour passionné, Le Pont est une belle aventure poétique, portée par un agréable souffle romanesque. Situé dans un monde parallèle, une sorte de Cité Obscure localisée au pôle, l’album met en scène un couple de personnages comme déjà « ailleurs ». Lui est un savant passionné par ses recherches, de l’obsession jusqu’à la folie. Elle revient littéralement des morts, ramenant avec elle un pouvoir de séduction fatale, une force presque inquiétante. Tous les personnages semblent errer dans cette ville isolée et froide où seules les fêtes du gouverneur apportent quelque chaude lumière. Le reste du temps, les longues perspectives des bâtiments s’allongent sur les rues glacées et désertes, et la nuit constante enveloppe les rares silhouettes aventureuses. Et quelque part, dans les étoiles ou ailleurs, le destin fatal est déjà écrit et la quête d’un centre de gravité par Salpatrès touche à son inexorable but, jusqu’à la perte de soi-même.

Si le dessin, d’une impeccable technique, manque parfois d’un soupçon de rugosité et de force pour apporter à ces images une empreinte plus profonde, le récit est lui conduit de main de maître, installant une belle ambiance, alternant les regards, et laissant ses protagonistes continuellement voilés dans un certain mystère. Christian Durieux allie avec une belle réussite la fable poétique et le récit d’aventures sur lequel plane l’esprit de Jules Vernes, et compose ainsi une histoire originale, où le fantastique oscille entre le miraculeux et l’inquiétant. En développant silences et visions oniriques, le récit se développe ainsi naturellement et inéluctablement, jusqu’au final très réussi, bousculant une dernière fois certitudes scientifiques et élans amoureux, comme dans les délires tourmentés et romantiques d’un homme depuis longtemps égaré.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 29/10/2007 )
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