L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Necronomicon
de Patrice Wooley
Kymera 2007 /  13 €- 85.15  ffr. / 64 pages
ISBN : : 978-2-916527-08-6
FORMAT : 21x29,7 cm

Dans les entrailles de Lovecraft

Le Necronomicon, c’est cet ouvrage écrit par un savant arabe dément, Abdul Al Azhred, et qui, au long des siècles et des copies, des censures, des disparitions et des réapparitions, révélait au monde, de manière cryptée, sa véritable histoire, celle d’une planète contrôlée par des créatures d’une antiquité, d’une puissance et d’une méchanceté inconcevable, des créatures (les Grands Anciens) qui sont prêtes à déferler de nouveau sur la planète et sa fragile humanité… L’ouvrage est l’un des fils rouges de l’œuvre de Howard P. Lovecraft, écrivain fantastique majeur, à l’imagination débordante et baroque. Et donc, il semblait intéressant de lui consacrer un album, histoire de voir si les visions de Lovecraft sont transposables…

Et la réponse n’est pas évidente : Patrice Wooley, assisté de tout ce que l’informatique peut proposer comme outil de création en bande dessinée, s’est employé à donner une figure au mythe, une figure terrifiante bien sûr. Il s’agissait de décrire l’aventure d’un lecteur du Necronomicon, élu et dévoré par le livre, qui se retrouve perdu dans les entrailles d’une hypothétique et cosmique création lovecraftienne (Yog Sothot). Le dialogue, qui oppose l’investigateur aux diverses créations de l’ouvrage, doit le convaincre, et convaincre le lecteur, que l’espoir lui-même est mort, et que la terreur resurgira, sur la fin, dans le face-à-face avec la starlette lovecraftienne par excellence, le grand Cthulhu en personne…

Il y a un côté Clive Barker (celui de Hellraiser avec les trips sado-maso des Cénobites) dans cet ouvrage, qui recherche un peu la provocation : sexualité morbide, glorification de la souffrance pour atteindre l’illumination… Cela fera sans doute fantasmer les ados gothiques en mal de pensée subversive, mais pour un amateur de Lovecraft, c’est un peu exotique, et bien loin de l’œuvre originale. L’idée d’utiliser le lecteur en conclusion est habile (le livre d’horreur dont vous êtes le héros, ou bien le héros dont vous êtes le bourreau, au choix), mais la réalisation, qui intègre l’informatique, la photographie retouchée et le pinceau, n’emporte pas l’enthousiasme : le « héros », qui semble tout droit sorti d’un jeu vidéo, dénote dans un paysage peint, et la typographie variable s’avère agaçante. Un travail au seul pinceau aurait été largement plus convaincant. Petite déception donc en dépit d’une excellente intention et d’une idée intéressante (le livre comme piège).

Les adaptations de Lovecraft se suivent et ne se ressemblent pas, tant il est possible de décliner de multiples façons les écrits du maître de Providence… Et avec ce Necronomicon dû au pinceau (et à la palette numérique) de Patrice Woolley , on touche au déconcertant, au déroutant… comme une sorte d’hommage aux écrits de Lovecraft, qui ne s’occupait guère de donner une figure précise à ses chimères. Une curiosité…

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/12/2007 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)