L'actualité du livre
Bande dessinéeet Science-fiction  

Les Derniers Jours d’un immortel
de Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval
Futuropolis 2010 /  20 €- 131  ffr. / 152 pages
ISBN : 978-2-7548-0158-4
FORMAT : 20x27.5 cm

Philo-fiction

Derrière ce titre contradictoire se cache l’un des plus beaux albums du moment. Une histoire de science fiction loin des canons du genre, préférant la réflexion à l’action, la lenteur à la précipitation.

Nous sommes dans un futur très lointain. Des centaines de planètes et d’espèces différentes ont été découvertes et toutes ces créatures – y compris les humains - doivent cohabiter malgré des traditions et des modes de vie souvent très éloignés les uns des autres. Pour mieux appréhender et résoudre les différents conflits qui, inévitablement, ont lieu au sein de cette immense communauté, une police philosophique a été mise en place. Plus que des philosophes, ces agents sont avant tout de supers diplomates doués de connaissances ethnologiques leur permettant de comprendre n’importe quelle espèce. L’une des stars de ce service est Elijah : brillant, intelligent, et incroyablement perspicace, voilà l’agent que tout le monde s’arrache pour résoudre des affaires complexes.

L’autre grand bouleversement de cet univers, c’est l’acquisition de l’immortalité. Désormais, les humains ne meurent que s’ils le désirent. Ils peuvent même se créer des clones, des « échos », qui prennent le relais de certaines activités. Elijah est l’un de ces immortels. Pour mener à bien toutes ses missions, il a quelques copies conformes éparpillées dans l’univers. Mais lorsqu’il apprend la mort – imminente car programmée - d’un ami proche, il va être bouleversé au point de remettre en cause toutes ses valeurs. Il va pourtant falloir se remettre à l’ouvrage puisqu’un conflit vieux de plusieurs milliers d’années refait surface et menace de faire basculer toute cette communauté dans le chaos le plus total.

Fabien Vehlmann étonne et épate d’album en album. Avec ce récit original et d’une grande poésie, il conduit une intrigue aux multiples ramifications, découpant son script en courtes scènes, prenant le temps de respirer sans pour autant jouer la contemplation fade. Aux côtés de Vehlmann, Gwen de Bonneval imagine un univers pictural étonnant, entre Miró et les films de René Laloux, pour aller vite, ces planches en lavis gris baignent dans une atmosphère alanguie, mélancolique. C’est de la science fiction molle, comme le Solaris de Tarkovski ou les Chroniques martiennes de Bradbury. Le rond plus que le carré, les courbes plus que les angles. Tout est ici frappé au coin de l’insensé (piscine à falaises, sculptures flottantes, aliens bizarroïdes et modes de vie étranges…) et pourtant d’une belle cohérence. Au-delà de l’intrigue principale, ce sont des questions plus profondes (quel sens à la vie quand la mort n’existe plus ? peut-on vivre sans souvenirs ?...) qui sont posées à travers le parcours d’Elijah. Et malgré cet univers qui semble loin du nôtre, toutes ces questions ont encore un sens et l’ensemble en est d’autant plus émouvant. Au final, l’intrigue pseudo-policière et le cheminement psychologique d’Elijah procède d’un même mouvement : découvrir une réalité enfouie là depuis des siècles et cachée par des fausses vérités, des idées reçues. L’air de rien, cet album d’une grande poésie et raconté avec élégance peut prétendre au statut de futur classique.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 19/04/2010 )
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