L'actualité du livre
Bande dessinéeet Science-fiction  

Soucoupes
de Arnaud Le Gouëfflec et Obion
Glénat - 1000 feuilles 2015 /  20.50 €- 134.28  ffr. / 88 pages
ISBN : 9782723499576
FORMAT : 20x27,5 cm

Technicolor retro

Cette fois, ça y est, les extra-terrestres ont débarqué, et leurs soucoupes planent au-dessus de nos villes et villages. Il n’est pourtant pas question d’invasion ici ; plutôt discrets et bienveillants, ces aliens aux allures de robots sont d’aimables observateurs qui proposent à quelques scientifiques de les accompagner dans leurs voyages spatiaux à la découverte de l’univers. Ils ne ressemblent pas à grand-chose mais sont gentils et curieux.

De son côté, l’au-delà et l’infini, ça ne fait pas trop rêver Christian. Modeste marchand de disques dans une petite ville franchouillarde (entre Amélie Poulain et le Gendarme), l’homme a déjà assez de soucis comme ça, entre sa maman qui perd la boule, sa femme qu’il n’aime plus et sa maîtresse qui s’impatiente. Alors pour Christian ces petits hommes verts qui n’en sont pas – ils ont plutôt le look de robots – c’est plutôt anecdotique et accessoire. Jusqu’au jour où l’une de ces créatures, curieuse de ce qui se passe chez les humains, va pousser la porte du disquaire, en quête de plaisirs musicaux bien terriens… le début d’une drôle de rencontre.

Voilà une petite merveille ! Une histoire à la fois simple, drôle et touchante, mise en images avec panache. Le mélange des genres est parfait et la science-fiction n’est vite qu’un prétexte rigolo pour parler d’autre chose, de poésie, de rêvasserie, d’évasion… On suit le périple impossible de Christian, pas forcément le gars agréable mais pas non plus méchant ; juste un gus normal qui tente de faire son bonhomme de chemin, et cherche simplement à être un peu heureux.

En lisant Soucoupes, on entrevoit des réminiscences de Nicolas de Crécy et de Sylvain Chomet, et l’on pense aussi à un autre album récent, Souvenirs de l’Empire de l’Atome, dans lequel flottait ce même parfum retro où la SF boîtes de conserve s’harmonisait pleinement avec un univers plus intime et douillet. En gros, le franco-belge face à Hollywood fifties.

Et à l’instar du livre de Smolderen et Clérisse, c’est une esthétique soignée et raffinée qui est mise en place ici. Le dessin d’Obion déboule toutes couleurs dehors et c’est la claque absolue : le style un peu cartoon mélange le dessin traditionnel à des couleurs numériques. Et quelles couleurs ! Lumineuses, phosphorescentes, éclatantes, flamboyantes !… Chaque planche brille d’un éclat particulier, d’une ambiance étonnante. Il y aurait dans ces pages, la couverture comprise, des images à découper puis encadrer, comme cet extra-terrestre devant une télévision (p.33) ou ces petites soucoupes au-dessus des villes. Sur son blog, Obion raconte qu’il y eut un moment où il envisageait dans un premier temps de n’utiliser que des aplats numériques pour cet album. Le résultat final, sorte d’inédit « technicolor en sépia », riche de matières et de textures est heureusement beaucoup plus passionnant. Ce goût sûr allié à une jolie histoire fait de Soucoupes une uchronie qui ne se prend pas au sérieux et qui prend le temps de flâner, un livre précieux et savoureux.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 08/04/2015 )
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