L'actualité du livre
Bande dessinéeet Science-fiction  

Le Dernier Troyen (tome 2) - La Reine des Amazones
de Valérie Mangin et Thierry Demarez
Soleil - Chronique de l’Antiquité galactique 2004 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 48 pages
ISBN : 284565880X
FORMAT : 22,5x31,5 cm

Enée 31

Qui se souvient d’Ulysse 31, ce dessin animé un peu oublié, et pourtant fondé sur une brillante idée : transposer l’Odyssée et ses divers épisodes dans un univers futuriste, où l’espace infini (de l’Olympe) remplace la mer Méditerranée, et où Ulysse, entouré de son fils Télémaque (on ne peut pas suivre Homère en tout) et d’autres comparses, s’emploie à revenir chez lui à bord de son vaisseau l’Odysseus… Nostalgie, nostalgie ! Mais il y avait là une trouvaille à reprendre, c’est ce que fait Valérie Mangin dans un ensemble de cycles de la collection « Chronique de l’Antiquité galactique », avec une inspiration très réelle.

Il ne s’agit pas toutefois ici de suivre l’Ulysse aux mille ruses, mais bien l’une de ses célèbres victimes : Enée, fils de Priam et prince troyen (fondateur mythique de la Rome antique). On passe donc de Homère à Virgile et l’Enéide, mais le projet reste le même, une transposition futuriste (et très personnelle) de cette grande fresque antique. Ce nouvel album offre ainsi au prince troyen un détour dangereux au pays des Amazones (alliées traditionnelles des Troyens), devenu la planète Thrace. Attirés par un appel au secours, les Troyens survivants se trouvent face à une planète ravagée par une malédiction divine : les Amazones (un peuple de femmes guerrières), installées là, ont été maudites par Minerve (Athéna) à la suite du passage d’Ulysse, et leur planète se recouvre rapidement de sel. Au dire de Mars (Arès), leur protecteur, seul un homme est capable de lever le sort… et pourquoi pas un Troyen ? Encore faut-il savoir ce qui ravage la planète, et ce qui a justifié la colère de Minerve.

Ce mélange de science-fiction et de mythologie est assez original, et offre à une histoire ancienne (ô combien) une seconde jeunesse : un exemple à suivre (et le patrimoine légendaire de l’humanité est suffisamment riche), comparable (toute proportions gardées) au tout récent Illium, de Dan Simmons (transposition futuriste de l’Illiade, chez Robert Laffont). Mais ce futur antique a un côté un peu kitsch, péplum, qui peut déconcerter : on s’y promène en vaisseaux spatiaux (aux formes de trirèmes), mais l’on s’y bat à l’arme blanche ou au sabre laser. Les scaphandres ont la forme d’armures grecques, les villes ressemblent aux villes antiques, les liquides mêmes sont conservés dans des amphores, mais les Troyens ont des tatouages maoris (malvenus). Hommage à l’Antiquité ou SF : on hésite ? L’apparition du panthéon antique sous une forme canonique révèle les choix des auteurs, commentés dans un cahier de huit pages qui rassemble esquisses et analyses.

La réalisation est par contre plus contestable : le graphisme de Thierry Demarez oscille entre une bonne maîtrise des décors, des cadrages (servis par un beau travail sur les couleurs) et un manque d’expressivité un peu décevant des visages (plutôt poupins) et des corps. Comme dans les péplums, la vraisemblance (des blessures notamment) n’est pas la priorité. Cela n’est toutefois qu’un léger regret pour une série dont on peut espérer beaucoup, en attendant qu’Enée parvienne dans le havre que les dieux lui destinent (et il en faudra, des albums !).

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 22/01/2005 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)