L'actualité du livre
Bande dessinéeet Science-fiction  

Ronces (tome 1) - Racines électriques
de Jean-David Morvan et Nesmo
Les Humanoïdes associés 2005 /  12.60 €- 82.53  ffr. / 48 pages
ISBN : 2731616474
FORMAT : 25 x 33 cm

« Quand on arrive en ville… »

Tout commence lorsqu’un type un peu bizarre, genre géant abruti, décide, son attaché-case à la main, de quitter un petit village forestier pour se rendre à la ville (on dit « monter à la ville » dans ces cas-là, histoire de bien ressentir le choc culturel). Arrivé dans une métropole complexe, délirante et un peu inquiétante, il commence, comme tout provincial qui se respecte, par se perdre dans le métro et frôler la contredanse. Jusque-là, tout va bien… mais lorsque l’on retrouve sur sa trace des cadavres déchiquetés, on se dit que finalement, l’exode rural, c’est pas le bonheur. Et sur sa trace, on trouve une autre épave : le commissaire Mornières, intelligent certes, mais gentil (trop), affligé d’un fils pénible (en crise d’adolescence radicale), d’une ex-épouse méprisante et de collègues qui abusent un peu. Deux destins mal fichus – le tueur présumé et son chasseur – dans un décor cauchemardesque, celui d’une ville monstre… deux hommes qui, chacun dans son genre, n’ont peut-être pas encore renié leurs racines… à moins qu’ils ne soient tous deux manipulés par une Nature qui ne supporte plus la lèpre urbaine ?

Cet album est un coup de poing, une gifle magnifique, une découverte à faire : à la lecture, des références s’imposent, du Voyage au bout de la nuit (l’arrivée à New York) à Matrix (la réalité et ses ambiguïtés), en passant par Horologiom, Dark City, les films de Caro et Jeunet, Metropolis, Soleil vert… bref, un univers connu et brillamment décliné, celui de la ville géante, tentaculaire, malade et d’une réalité instable. L’histoire aussi d’une société qui tourne de plus en plus le dos à la nature, sans réaliser que mère nature peut aussi se montrer cruelle dans ses colères. Un Miyazaki en plus sombre, version écologique du thriller horrifique. Le scénario de Jean David Morvan (Sillages, Nirta Omirli, Meka…) est – comme d’habitude – impeccable, déroutant, inventif, scotchant : sur les pas du géant inconnu, on entre dans l’univers malsain de la ville et de son métro sans trop savoir où l’on va, perdu. Parallèlement, sur les pas du commissaire Mornières, on partage le quotidien un peu désespérant d’un urbain quasi acclimaté. Tout cela est assez sombre : c’est un univers moitié futuriste, moitié steampunk, un peu glauque, un peu déglingué, toujours stressant, oppressant. Rarement une BD aura réussi à ce point à rendre une ambiance étouffante. De fait, le graphisme est une révélation : dans un premier album prometteur (ô combien), Nesmo fait la démonstration d’un talent jeune, d’un sens de la mise en scène, du décor, de l’image, de la couleur (déclinaison de rouges et de bruns, avec des fulgurances bleutés pour figurer une autre réalité) qui font plus que désirer une suite rapide et d’autres projets. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, à suivre, forcément !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/11/2005 )
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