Bande dessinée
Science-fiction de Moebius
Les Humanoïdes associés 2006 / 15.50 €- 101.53 ffr. / 112 pages
ISBN : 2-7316-1468-4
FORMAT : 24 x 32,5 cm
Traits de génie
Suite, et à priori fin pour le moment, des rééditions des bandes dessinées de Moebius avec ce bel album qui regroupe plusieurs récits dessinés entre 1971 et 1979, et publiés notamment dans « Métal Hurlant », « L’Écho des savanes » ou « Pilote ». Que l’on découvre ou non Moebius par l’intermédiaire de ces planches, le choc sera le même pour tous, car lorsque l’un des plus grands dessinateurs que le neuvième art ait connu décide d’emporter son lecteur dans son imaginaire délirant et magistral, il n’y va pas avec des pincettes et l’émotion esthétique est chaque fois présente. Que Moebius nous conte une violente ratonnade ou une tranche de vie aux confins de l’univers, l’enthousiasme et la maîtrise sont toujours au rendez-vous. L’auteur aux multiples visages déploie ses rubans graphiques avec une virtuosité constante. Il sait laisser vagabonder son imagination au gré d’inspirations automatiques et, quand il le faut, resserre l’action et passe à l’attaque ciblée. L’humour constant et décalé lui permet de faire passer les pires absurdités, quant à la poésie fantastique qui émaille son univers elle emporte le lecteur du côté de régions encore inconnues de son hémisphère cérébral.
Débarrassées de leurs couleurs inutilement posées lors d’une seconde édition, les planches ici présentes mettent particulièrement en évidence les multiples traits de génie que possède Moebius. Tour à tour épais ou pointu, hachuré ou simplifié, détaillé ou nu, le geste du maître connaît la force d’évocation du dessin et chacun des récits se plie à une exigence technique absolue. Rien n’est laissé au hasard si ce n’est justement… le hasard, et c’est d’une main sûre (et les yeux bandés ?) que Moebius trace ici quelques-uns de ses plus beaux dessins.
Inutile d’entrer trop dans le détail des intrigues recueillies ici, il n’y a de toute façon que du bon. Après le classique et toujours aussi claustrophobe Cauchemar blanc, le lecteur tentera en vain de reprendre son souffle en suivant la course fantasmagorique du héros d’Absoluten Calfeutrail. Suivront de jolies et piquantes fables fantastico-absurdes, une collaboration hallucinée avec Philippe Druillet pour enfin arriver à cette autre clé de voûte dans l’univers de Moebius qu’est Le Bandard fou, sorte de guide du pervers pépère galactique, ou comment faire d’un gag lourd et pataud une chanson de geste débridée qui vire à la débauche narrative et aux délires graphiques de toutes sortes.
Trente ans après, la modernité est toujours là, la liberté de ton épate encore, et les planches n’ont pas pris une ridule. À ce stade, on l’aura compris, il ne s’agit plus d’une simple réédition parmi d’autres, mais bel et bien de service rendu à la nation des bédéphiles !
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 06/05/2006 )
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