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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Loin d’être parfait
de Adrian Tomine
Delcourt - Outsider 2008 /  13.95 €- 91.37  ffr. / 108 pages
ISBN : 978-2-7560-1580-4
FORMAT : 19x26,7 cm

Cherchez le garçon

La bande dessinée d’Adrian Tomine c’est comme du cinéma indépendant américain sur papier. Petit budget, acteurs inconnus au visage passe-partout, contexte urbain train-train quotidien, scénario très écrit, laissant la priorité aux dialogues, aux échanges mouvementés…

On suit ici, sur quelques mois, la vie de Ben Tanaka, gérant de cinéma trentenaire, sarcastique et mal dans sa peau. Sa liaison avec Miko, puis la rupture à distance, les nouvelles rencontres, les nouveaux échecs…

Pour la première fois depuis le début de sa carrière, Tomine se lance dans le long récit. L’habitué des courtes scènes, des chapitres isolés et des extraits écrits aujourd’hui une histoire à la construction dramatique plus carrée, faisant intervenir plusieurs personnages mais se concentrant sur le périple d’un seul. Pour l’occasion, la narration change quelque peu : exit les silences pesants et les détours abrupts. Loin d’être parfait est un album bavard, débitant continuellement son flot de dialogues, ne s’arrêtant jamais dans son élan. Le résultat, loin d’être pesant, coule de source, de façon légère et spontanée, tour à tour drôle ou plus grave.

À la mélancolie habituelle de ses travaux, Tomine ajoute de plus une dimension sociale, multipliant les allusions à l’origine asiatique de ses personnages. Le sentiment d’être coupé du monde, partagé par tous les personnages de l’auteur américain, est dès lors comme amplifié par cette appartenance ethnique. Mais le principal reste évidemment ailleurs, dans la tête même de Ben: jeune homme hésitant et ne sachant pas trop où aller. C’est que cherchant son identité, le jeune homme se cherche avant tout lui-même

Poussant la ligne claire dans ses derniers retranchements lumineux, laissant les noirs s’écouler ailleurs, Tomine trouve la parfaite adéquation entre son dessin et ses récits : des pages brillantes, purifiées de toutes bavures incongrues ; un trait souple et réaliste apportant aux personnages une certaine évidence, une vraie présence.

On peut trouver tout cela parfaitement ennuyeux. Comme on peut trouver ennuyeux les films de Woody Allen ou d’Eric Rohmer. On peut aussi se laisser aller à suivre le parcours amoureux chaotique de ce trentenaire un peu perdu, un peu bêta, ses doutes et ses errances, jusqu’au final à rebondissement — où le cynisme est de retour à l’envoyeur — pervers mais tellement vrai.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 23/12/2008 )
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