L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Piscine Molitor
de Christian Cailleaux et Hervé Bourhis
Dupuis - Aire Libre 2009 /  15.50 €- 101.53  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-8001-4408-5
FORMAT : 23x31 cm

Bison ravi dit…

Incarnation d’une certaine France d’après guerre fascinée par le « djaze », le polar et le surréalisme, Boris Vian traverse la vie culturelle française tel un météore, rattrapé finalement par son cœur, à 39 ans. Entre temps, il y a une œuvre et un personnage, fascinants, car la charge de provocation – couronnée par un procès et la censure – demeure. Alors de là à en faire un héros, dans un temps où la littérature devient, au plus haut niveau de l’Etat, un plaisir honteux car connoté « snob »… il n’y a qu’un pas, joyeusement assumé. La biographie dessinée est un genre original, et nombre d’auteurs aussi importants que « décalés » sont déjà passés par le crible d’un pinceau et d’un artiste (Lovecraft, Kafka…). Boris Vian, et son après guerre chaotique, entre Gallimard, le Tabou, la guerre froide et Saint Germain des Prés, valaient bien un bel album. Alors « soyons snobs, foutrement snobs ! ».

Dans un monde mal fait, Boris Vian serait entré, à peine sénile, à l’Académie française après avoir conclu une carrière prestigieuse en présentant une émission de télévision sur les miracles de la pataphysique appliquée… Il aurait peut être même vu son œuvre faire partie, comme La Princesse de Clèves, des livres censurés pour cause d’intellectualisme exacerbé… Heureusement, le monde tourne bizarrement et le bon Boris s’est éteint trop jeune pour subir la consécration académique… (quant à son entrée future dans la Pléiade, elle relève plutôt du coup de chapeau). Reste une existence brûlée comme une chandelle, à coup de romans chatouillants et pirates, de trompinette, d’articles assassins et de polars un peu dépassés désormais (et même franchement mauvais). Mais une existence assez riche pour transformer bison ravi en personnage de BD, hommage décalé, donc sérieux. Hervé Bourhis avait déjà investi le monde coquet des super héros et de leurs soucis domestiques (Comix Remix), revisité l’agonie des disquaires de quartier (Stéréo club)…cette biographie de Boris Vian confirme un talent tous azimuts, et une indécision – heureuse – entre fantaisie et réalisme, à l’image de son héros. Bien servi par le trait de Christian Cailleaux, faussement naïf, l’album sait montrer les paysages intérieurs du fantaisiste Boris, dévoile, derrière la rigolade et le goût des mots, les limites humaines du personnage – physiques et paternelles – et le contraste entre l’ambiance Saint Germain des Prés (les copains, la fête, le jazz…) et la solitude de l’auteur. Boris Vian semblait parfois en retrait de l’humanité (peut-être cela explique-t-il aussi le goût pour l’apnée). Avec cette belle évocation, originale et sensible, le voilà rattrapé.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/06/2009 )
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