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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Le Sourire du Clown - Troisième partie
de Luc Brunschwig et Laurent Hirn
Futuropolis 2009 /  16  €- 104.8  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-7548-0190-4
FORMAT : 23x30 cm

Fin de partie

La Cité des Hauts-Vents, un ensemble d’immeubles dans une banlieue coupée du monde. Un « quartier », une « zone sensible ». Mais après nous avoir montré une banlieue en flammes dans les premiers tomes du Sourire du Clown, Brunschwig et Hirn nous dépeignent semble-t-il un petit coin de paradis, joyeux et fraternel. La victoire de Mourad aux championnats de body-building a déclenché une liesse générale dans le bus et au pied des bâtiments.
Cette bonne humeur, elle est due au bon père Desternod, cette espèce de Père Noël descendu dans la Cité pour faire son bonheur. Sauf que… Sauf que le Père Noël cache aussi un Père fouettard, et qu’on se doute depuis un moment que celui-ci n’est pas franchement catholique.
Quelques réfractaires à l’allégresse populaire s’interrogent ; et en particulier Djin, le jeune clown, muet depuis dix ans, et qui a vu se former les complots sans les comprendre. Lorsqu’il apprend de nouvelles pièces du mystère, il décide d’affronter directement le soi-disant bon samaritain.

C’est l’heure de la conclusion pour le triptyque de Hirn et Brunschwig, entamé en 2005. La première moitié de ce dernier album leur permet de donner les dernières explications du mystère, d’une simplicité un peu décevante. La deuxième, plus prenante, met face à face les protagonistes dans une joute inattendue.
La fin n’est peut-être pas tout à fait à la hauteur de ce que les premiers volumes laissaient espérer, mais elle ne démérite pas pour autant. On ferme les yeux sur les quelques invraisemblances et les quelques dessins malhabiles pour apprécier le reste, d’une réelle justesse. Les personnages bénéficient de psychologies fouillées, y compris les morts qu’on n’en finit pas de redécouvrir.
On mesure aussi le chemin fait par les auteurs du Pouvoir des Innocents : Luc Brunschwig définit un univers personnel, indépendant de la mythologie américaine, tandis que Laurent Hirn affirme son dessin réaliste, aux couleurs solides et efficaces.
Le portrait de la banlieue, au bout de trois tomes, est toujours original. Il est rare qu’on y associe la thématique du cirque et celle du catholicisme, comme ici. Quand ils parlent des dangers religieux dans les quartiers, les médias visent rarement l’intégrisme romain. Surprenant aussi cette façon d’inverser la tendance : alors qu’on reproche généralement aux commentateurs de dramatiser la situation, France 3 refuse ici les « images déprimantes ». Les vidéos de voiture en train de brûler passeront donc à la trappe, dans un renversement ironique et bien vu.

Le Sourire du Clown nous parle des relations humaines, lorsque les choses commencent à aller de travers. Regard désabusé sur la médiatisation d’une société par elle-même, et opposition de deux comédiens face au désespoir : le prêtre et le clown. Tout se joue ici sous le regard de l’autre, des autres, sur une chaire ou au centre de la piste. Mais certains choisissent de porter une bonne parole, tandis que d’autres cultivent l’ambiguïté et la confusion. Parce que l’artifice a du sens au moment où on tombe le masque.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/12/2009 )
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