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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

La Communauté (deuxième partie) - Entretiens
de Tanquerelle et Yann Benoît
Futuropolis 2010 /  24 €- 157.2  ffr. / 176 pages
ISBN : 978-2-7548-0232-1
FORMAT : 18,5x26,6 cm

Et l’utopie va…

Seconde partie du très beau diptyque que Tanquerelle consacre à son beau père et à quelques rêveurs, La Communauté 2 était un album attendu, par tous ceux que la première partie a fait rêver, sourire ou réfléchir, à tous ceux qui ont pu envier ces jeunes réfractaires comme à ceux qui y auront vu une allégorie, celle d’une génération qui a finalement du remiser ses idéaux.

À l’origine, une communauté donc, post soixante-huitarde en diable, de jeunes citadins, plutôt issus de la bourgeoisie, passés par l’université et diplômés… mais en quête, comme tant d’autres, d’une alternative au « métro boulot dodo »… Installés dans une minoterie en ruine, en pleine ruralité, les jeunes gens vont découvrir la vie en groupe, les rigueurs de la réalité, mais également les joies et espoirs d’une utopie qui, peu à peu, prend forme. On se débrouille, on s’organise, on reconstruit, on vit ensemble, partageant les joies et les difficultés. Cette belle aventure, narrée par Yves Benoît à son gendre, le dessinateur Hervé Tanquerelle, avait donné lieu à un premier tome poétique, décalé (par rapport au climat anti 68 actuel) et donc jubilatoire, une histoire vraie d’une communauté qui, peu à peu, s’accroche à son mode de vie choisi, à son bout de terre et à son bonheur, hors de la fameuse « société de consommation ». Porté par cette odyssée, le lecteur se demandait toutefois si, au bout du compte, l’affaire allait marcher ou bien si la communauté n’était pas condamnée par l’économie libérale, la réalité sociale, les complexités de la vie communautaire et des individualités… Bref, on espérait…

Le second tome annonce l’ère des réalités : pour exister, se développer, il faut vendre, finalement s’intégrer à cette société et à cette économie que la communauté a fui. Ce sera, après l’imprimerie, des jouets en bois, une coopérative artisanale, des salons, des clients, des commandes, du commerce… et avec cela des impératifs de productivité, de qualité, des problèmes de clientèle. La logique commerciale entre désormais en ligne de compte, dicte ses lois, impose ses rythmes, ses besoins… et pervertit peut être aussi l’utopie ? Si Tanquerelle, guidé par Yann Benoît, peut encore se promener, tel un minuscule lutin, dans la vie de la communauté, il en découvre aussi les limites, jusqu’à la disparition finale. Car la communauté se fissure, se heurte finalement aux exigences de la réalité. On commence à causer salaire, argent, productivité… Adieu l’égalitarisme initial ! Les idéaux coulent peu à peu. En contrepoint, la vie des enfants semble, elle plus heureuse, plus libre : ce sont peut être eux, les rescapés de l’utopie ?

La mise en image et en scène est très réussie, sans doute du fait de l’alchimie, réelle, entre le conteur et le témoin, autant que de la belle imagination de Tanquerelle. L’album, très original, est incontestablement, séduisant : une réussite en dépit d’un sujet (la vie d’une communauté dans une campagne française dans les années 70-80) pas forcément « sexy ». Et donc la série se dévore, aussi parce que c’est une jolie fresque, une odyssée humaine présentée avec un certain lyrisme, sans idéologie ou hypocrisie. Il y règne au contraire une sorte de simplicité, bercée par des images oniriques et une multitude de techniques (photo redessinée, bande dessinée classique…). Un diptyque réussi, innovant, sympathique et entraînant, un bain de fraîcheur !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/02/2010 )
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