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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Feuille de chou (tome 2) - Journal d’un après tournage
de Mathieu Sapin
Delcourt - Shampooing 2010 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-7560-2277-2
FORMAT : 14,7x21 cm

Post-prod

Gainsbourg, version cinéma tome 2 : après avoir suivi, en reporter à pinceau et calepin, le tournage de Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar, Mathieu Sapin continue ses investigations et raconte la suite… car après le tournage, il y a une vie, bien différente et même plus complexe : montage, son, promo, interviews, enregistrements, musique, BO, publicité, comptes et bénéfices, entrées, bilan… Où l’on découvre que la construction du film dépasse très largement le simple jeu de l’acteur, qu’on y parle beaucoup de sous, et qu’il y a encore loin de la caméra au public. Feuille de chou ou le journal d’un film, tome 2, donc. Mathieu Sapin quitte un temps le Mega-Krav-Maga et Supermurgeman pour la réalité, la vraie : Cannes, la post-production, le bureau, les copains dessinateurs, l’équipe de production… Nanti cette fois d’une casquette en tweed et d’un dictaphone sauvage, Sapin nous promène, d’un coup de pinceau, dans les coulisses du film, en partant de Cannes jusqu’à la sortie nationale dans les salles…

L’avantage du journal de Mathieu Sapin, c’est que l’auteur pose sur ce monde du cinéma un regard qui pourrait être celui de n’importe quel lecteur : excité, interrogateur, admiratif, fasciné, critique par moments… On n’est pas dans l’entre-soi, mais au contraire dans la peau d’un fan qui se retrouve propulsé derrière la caméra, dans un monde qui demeure mystérieux, avec ses codes, ses rituels… Pas trop de jargon donc, ni de clins d’œil (quelques running gags sur le « rasta bourré » déjà croisé chez Trondheim) : des séquences, des scènes griffonnées rapidement, des portraits léchés, des décors, des ambiances. Certes, il y a les copains dessinateurs (Sfar, Trondheim, l’invisible Riad Sattouf…) mais ils se fondent dans le décor du film, et du carnet. Beaucoup de monde mais pas trop de stars non plus, et même Joann Sfar, qui y perd sa chevelure, semble passer là un peu par hasard… Il en reste l’impression d’une énorme machine, associant la technique et la promotion, au service du film, parfois frustrante (quand il s’agit de couper au montage). Et autant de rencontres, d’étapes dans un parcours sinueux. Et comme Mathieu Sapin – dont la conclusion, mélancolique, résume un peu le sentiment du lecteur – on est bientôt dépassé par cette machinerie qui engloutit tout (on s’étonnera au passage de l’espèce de censure que Laetitia Casta fait peser sur l’ouvrage, via le film, pour des questions de boutons de fièvres pourtant anodines !) et retravaille pesamment l’image de Gainsbourg. On assiste notamment au combat un peu désespéré de Joann Sfar pour préserver jusqu’au bout une certaine liberté de création qui s’apparente au final cut (mais tout cela coûte cher). Démonstration, une fois de plus, que bande dessinée et cinéma sont tout à fait compatibles. Il en reste un journal assez éclectique, qui remplit parfaitement sa mission et accompagne de ce fait parfaitement le film, comme un making of dessiné. Indispensable pour les fans et plaisant pour les amateurs.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 24/08/2010 )
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