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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Mars aller-retour
de Pierre Wazem
Futuropolis 2012 /  20 €- 131  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-7548-0128-7
FORMAT : 19,5x26,5 cm

Un Mars et ça repart !

Pierre est dessinateur, quarantenaire, un peu alcoolo, un peu dragueur, un peu dépressif surtout. Pierre est mal dans sa peau, auteur à succès que le succès délaisse, auteur en mal d’inspiration, auteur en panne, tout bêtement… mais chez lui, la panne prend des proportions homériques, et c’est tout l’univers qui vacille. À commencer par l’univers familial, les problèmes d’argent, les soucis de couple, les enfants délaissés. Bref, la crise, la vraie. Le thème de l’auteur en panne, dépressif, est un thème difficile, avec ses écueils, mais Wazem réussit ici un sans faute. La solution, c’est le départ (la fuite)… Mars, pourquoi pas ? L’endroit est tranquille, isolé, rouge, frais… Encore faut-il un véhicule : ce sera une cabane un peu délabrée, en aussi mauvais état que la vie de Pierre, mais encore assez solide pour un périple improbable. Une cabane en bois, perdue, un refuge. De là, le départ pour Mars, planète finalement assez peuplée, sur laquelle, Pierre, entre deux excursions, va finalement se heurter à quelques vieux démons.

On les guette, les albums de Pierre Wazem, et après les très beaux ouvrages réalisés avec Tom Tirabosco (La Fin du monde,Sous-sols), Wazem revient en solitaire, après un séjour martien. Le trait est certes différent, plus relâché, oscillant entre les effets comiques, les expériences graphiques et photographiques et un réalisme cynique… Les personnages ont de bonnes têtes rondouillardes, on attend des gags mais ce sont des soucis qui pleuvent, et du quotidien, du lourd. Le contraste est efficace, en attendant le départ surréaliste vers Mars. Le travail des couleurs est saisissant : on glisse tranquillement avec l’auteur dans la dépression du personnage, avant d’émerger à la vie martienne. Surtout, l’auteur laisse de nouveau la part belle à l’ombre (sa part d’ombre en somme), envahissante, jusqu’à l’arrivée sur Mars et sa lumière qui brûle toutes les inhibitions. Une fois de plus aussi, cet album est un voyage psychanalytique, cette fois autour de la quarantaine dépressive, du poids du père (absent), des choix de la maturité (à commencer par cette maturité, ou bien une adulescence perpétuelle), des démons de l’enfance (plus ou moins maîtrisés). Wazem convoque son lecteur à une thérapie onirique, planante, impressionnante de maîtrise dans le trait comme dans le scénario. On commence avec un ego qui s’affaisse, on croise des personnages transformés par le regard de l’auteur (les parents notamment), on visite un atelier… un quotidien un peu plat, jusqu’à la planète rouge et sa tempête. L’un des plus beaux albums de l’année sans doute, et un auteur qui, décidément, sait toujours séduire, surprendre, fasciner.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 18/09/2012 )
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