L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Stevenson, le pirate intérieur
de René Follet et Rodolphe
Dupuis - Aire Libre 2013 /  15.50 €- 101.53  ffr. / 72 pages
ISBN : 978-2-8001-5760-3
FORMAT : 23,5x31 cm

Jeter l’encre

Comme de nombreux auteurs populaires, Robert Louis Stevenson a souvent été dépassé par son œuvre. Plus que l’homme, ce sont Jim Hawkins, Long John Silver ou le Docteur Jekyll qui sont passés le plus distinctement à la postérité. La bande dessinée n’a pas été en reste, en multipliant les adaptations de L’Île au trésor comme de L’Étrange Affaire du Dr Jekyll et de Mr Hyde, au fil de nombreuses générations et de ruptures de style.

Il était donc temps que la littérature dessinée s’attaque à la vie réelle de l’écrivain. Pour cela, le duo Rodolphe-Follet était tout indiqué. Le premier a déjà publié une biographie de Stevenson dans les années 1980, rééditée actuellement aux éditions de l’Harmattan ; le second a commencé sa carrière en illustrant à quinze ans L’Île au Trésor. L’un et l’autre ont toujours navigué entre la bande dessinée proprement dite et la littérature générale, avec un goût constant pour la narration populaire. Leur collaboration donne lieu à une biographie documentée, aux tableaux généreux et enlevés, plus proche du drame mélancolique que de l’exercice de style studieux.

Avant de devenir héros de bande dessinée, Robert Louis Stevenson, écossais exilé aux États-Unis, puis dans les mers du Sud, a vécu de voyages et d’exotisme. Son œuvre mêle les travaux de journalisme, les récits autobiographiques et les pures fictions, comme si l’aventure n’était qu’une seule et même idée. D’où les promenades sur un âne à travers les Cévennes, les reportages aux Marquises ou les souvenirs d’Édimbourg.
Pour prolonger ce va-et-vient, Rodolphe et Follet utilisent la métaphore du pirate. Dès la splendide couverture, le romancier semble écrire sous la menace d’un corsaire brandissant son sabre. La littérature n’est qu’une arme dans la course contre le temps. Comme Jim Hawkins, Stevenson refuse de se laisser aller à la fatalité, mais il se battra aussi pour les valeurs auxquelles il croit. Alors que la dynastie familiale le prédestinait à la construction de phares, il se lance dans l’ingénierie d’un nouveau genre. Il entame une liaison avec une femme mariée, et quitte son pays pour traverser les océans. Nous le voyons ici s’inspirer de sa vie pour ses romans, utilisant un mendiant pour Long John Silver ou un habitant d’Édimbourg pour le Dr Jekyll, mais aussi appuyer son existence sur ses désirs d’aventure et d’amour.

Au fil des scènes, nous voyons aussi Stevenson alterner entre l’allégresse du verbe et l’aspiration à l’exotisme. Il déambule dans les rues en récitant des des poèmes en prose, mais finira sous le nom de Tusitala, celui qui raconte des histoires. Cette double identité de poète et de narrateur convient bien aux deux amateurs de fiction populaire que sont Rodolphe et Follet ; elle convient bien aussi à un homme dont les œuvres ont été longtemps rangées sur les étagères de la littérature enfantine. En France, c’est Francis Lacassin qui les en a sorties, le même Lacassin qui avait popularisé l’expression « neuvième art ».
Dans cette défense de Robert Louis Stevenson, il y a comme la revendication d’une permanence du récit. Parler de vérité, retracer une biographie, pourquoi pas, mais à la condition d’y semer le lyrisme et la fantaisie.


Clément Lemoine
( Mis en ligne le 19/10/2013 )
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