L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

The Four Roses
de Baru et Jano
Futuropolis 2015 /  20 €- 131  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-7548-1040-1
FORMAT : 22,7x29 cm

Voyage solaire

Jano est un auteur rare. La bande dessinée l’a accueilli dans son sein à la fin des années 1970 comme un des représentants du courant rock de Métal Hurlant, avec Denis Sire et Margerin. C’était l’époque où il racontait les sinistres anecdotes du loubard Kebra. Puis Jano s’est mis à la couleur directe, et il a commencé à vraiment épater le chaland. Gazoline et la planète rouge, Alph’Art du meilleur album français en 1990, Carnet d’Afrique, souvenir visuel de ses voyages, sont des petites merveilles graphiques qu’on ne se lasse pas de contempler. Jano, c’est Fritz the Cat à Tombouctou, c’est Bob Dylan à Sarcelles, un mélange de joie de vivre, d’individualisme forcené et de contre-culture. Mais réfugié dans l’illustration et le cinéma, Jano ne s’était pas donné à lire depuis longtemps. Une superbe exposition à Angoulême en 2013 avait rappelé qu’il dessinait encore. Le retrouver dans un album cosigné avec Baru est plus qu’une bonne nouvelle, c’est une fête.

Dans The Four Roses, Jano n’est pas aussi expansif qu’à l’époque de Gazoline ; ses grandes cases n’ont plus le fourmillement de la miniature, mais elles affichent toujours un éclat particulier. Un soleil de plomb qui donne à ses couleurs un optimisme constant, y compris lorsque les personnages sont sans illusion. Cette fois, c’est la Louisiane qui pose, avec demeures majestueuses et quartiers populaires humides.

Baru et Jano reviennent aux sources du rock, justement, dans un hommage à l’héritage américain des années 1950 et en particulier au rockabilly. Avec une pincée de nostalgie, mais sans perdre pour autant leur lucidité politique. Baru dessine une préface où il rappelle les vingt ans de présence militaire américaine en France, de 1947 en 1967. Nous sommes tous des héritiers de cette cohabitation, et Baru lui-même, entre Le Chemin de l’Amérique et Les Années Spoutnik, est souvent revenu sur l’attraction-répulsion du Nouveau monde.

Ici aussi, les auteurs nous dépeignent les réalités sociales, diners interchangeables, flics nerveux de la gâchette ou en chemise à fleurs, guitariste sur le perron de sa maison. Comme un carnet de voyage remonté pour ressembler à un récit. Le prétexte scénaristique de The Four Roses est mince : deux frères musiciens découvrent l’histoire de leur grand-mère Rose, et partent sur ses traces outre-Atlantique. Ils apprennent l’existence d’une famille élargie, et visitent la Louisiane au passage.

Entre deux rencontres, Jérémie et Gilou ne ratent pas une occasion de faire un bœuf. Et Jano multiplie les cases muettes, comme pour laisser la place à une inévitable bande-son. La musique est d’ailleurs fournie par un véritable vinyle inclus à la fin de l’album. On peut y découvrir trois des chansons du récit, créations ou standards, interprétés par King Automatic, qui joue aussi le premier rôle de cette fiction.

Adapté à la lecture d’une traite, The Four Roses est plus proche du bon vieux 45 tours que de l’épopée romanesque. Ancrée dans le réel, rythmée, ronde dans ses notes, la bande sonne juste.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 01/07/2015 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)